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Amazonie

Au Brésil, l’absence de pluies et les incendies assèchent le Pantanal

En raison du déficit hydrique et de l’activité humaine, la plus grande zone humide de la planète brûle un peu plus chaque année, au risque de voir disparaître une biodiversité unique.
Des pompiers brésiliens lutte contre un incendie dans le Pantanal le 14 juin. (Ueslei Marcelino/Reuters)
publié le 1er juillet 2024 à 18h22

Depuis une semaine, le Pantanal, dans l’Etat du Mato Grosso do Sul (centre-ouest du Brésil) est en état d’urgence face à une vague catastrophique d’incendies. Cette région, qui correspond à l’extrême sud de la forêt amazonienne, est la plus vaste zone humide d’eau douce de la planète. Sanctuaire de la biodiversité placé en 2000 par l’Unesco sur la liste du patrimoine naturel de l’humanité, le Pantanal est en danger.

La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, a réuni une cellule de crise, qui s’est déjà réunie trois fois. Lundi, à Brasilia, elle a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’origine d’une vingtaine de feux en cours, se disant convaincue qu’ils sont «d’origine humaine» et non accidentels. La semaine dernière, elle avait déjà affirmé que le Pantanal se trouvait dans «l’une des pires situations jamais constatées». Le gouvernement de Lula a débloqué lundi 100 millions de reais (16,4 millions d’euros) pour combattre les incendies.

Cet écosystème se régénère en principe chaque année grâce à l’inondation de la plaine lors de la saison des pluies, qui la transforme en marais. Mais cette année, a expliqué la ministre, «nous n’avons pas eu les inondations habituelles lors de la transition entre El Niño et La Niña», deux phénomènes climatiques à forte incidence sur les précipitations.

«2023, 50 % plus sec que 2018»

L’absence de pluies a provoqué une sécheresse extrême, facteur qui facilite le déclenchement des feux. Du 1er janvier au 1er juillet, les satellites de l’Institut brésilien de recherches spatiales (INPE) ont détecté 3 648 foyers d’incendie dans le Pantanal, un record pour cette période de l’année. Selon une étude publiée par l’ONG Mapbiomas, le Pantanal a enregistré sur l’année 2023 une réduction de 61 % de sa surface humide par rapport à la moyenne observée depuis 1985. «2023 a été 50 % plus sec que 2018» dans la région, alerte l’organisation.

Mais le changement climatique n’est pas le seul responsable des incendies. Les défenseurs de l’environnement les attribuent en partie à l’action humaine, notamment le recours aux brûlis destinés à «nettoyer» des terrains afin de les consacrer à l’élevage intensif. Cette technique ancestrale, qui permet aussi de fertiliser les sols, est autorisée dans certains cas, notamment pour éliminer des végétaux qui peuvent favoriser la propagation du feu. Mais les brûlis sont aujourd’hui formellement interdits jusqu’à la fin de l’année.

Le Pantanal correspond au bassin supérieur du Rio Paraguay, l’un des plus grands fleuves d’Amérique du Sud après l’Amazone. D’après les données fournies par l’ONG SOS Pantanal, le biome (domaine bioclimatique) couvre près de 180 000 km² (un tiers de l’Hexagone), à cheval sur trois pays : le Brésil (78 %), la Bolivie (18 %) et le Paraguay (4 %). Sa partie brésilienne se partage entre deux Etats : le Mato Grosso (pour les deux tiers) et le Mato Grosso do Sul. La saison des pluies correspond à l’automne et l’été austral, entre novembre et mars. Côté Brésil, il compte 1,1 million d’habitants, pour seulement quelques milliers en Bolivie et au Paraguay.

Le refuge des jaguars

La biodiversité du Pantanal est impressionnante : plus de 2 000 espèces de végétaux, près de 600 espèces d’oiseaux, plus d’une centaine de mammifères différents et autant de reptiles, une quarantaine d’amphibiens… Le parc naturel Encontro das Aguas ( «rencontre des eaux») dans le Mato Grosso abrite la plus grande population de jaguars au monde. Un félin menacé, comme le reste de la faune, par les incendies. Notamment parce que, quand ils survivent, les animaux ne trouvent plus de sources d’alimentation.

C’est en 2020 que les menaces sur le Pantanal ont commencé à être prises au sérieux. La hausse des températures et la multiplication des brûlis non contrôlés, sous la présidence de Jair Bolsonaro, protecteur de l’agrobusiness et ennemi déclaré de la transition énergétique, se sont combinées pour assécher les sols et créer les conditions des incendies, qui avaient augmenté de 215 % sur un an, et ravagé 25 % de la partie brésilienne. Et 2023 a été une autre année noire pour la région. En raison de la mauvaise qualité de l’air, les maladies respiratoires se multiplient depuis plusieurs années.

Le nom de Pantanal est familier aux Brésiliens en raison d’une série télévisée qui portait ce titre en 1990, puis de sa nouvelle version diffusée en 2022 (1). L’une et l’autre ont obtenu un succès retentissant. Mais malgré les efforts du ministère de l’Environnement et des ONG, la dégradation du biome ressemble à une interminable télénovela.

(1) En français Un amour sauvage, visible sur les plateformes 6play et Outre-mer La 1re.