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Analyse

Au Brésil, l’armée est entrée dans une crise existentielle

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Le président Lula a décidé de ne pas célébrer les 60 ans des commémorations du putsch de 1964 et de ses victimes. Un choix pragmatique, pour ne pas vexer l’armée, accusée d’avoir aidé Jair Bolsonaro à préparer les émeutes du 8 janvier 2023.
Pendant une marche en hommage aux victimes du coup d'Etat de 1964, à São Paulo dimanche 31 mars. (Miguel Schincariol /AFP)
par Chantal Rayes, correspondante à São Paulo
publié le 1er avril 2024 à 14h25

C’était un «tudo bem ?», un «ça va ?» anodin, mais qui a révélé les tensions dans les entrailles du pouvoir au Brésil. Le 18 mars, quelques jours avant le soixantième anniversaire du coup d’Etat militaire du 31 mars 1964, qui instaura la première dictature d’Amérique du Sud, Lula da Silva réunit le Conseil des ministres au palais présidentiel du Planalto. Le ministre de la Défense, José Múcio, et son homologue des Droits de l’homme, Silvio Almeida, en désaccord sur le traitement à donner à ce sinistre anniversaire, se croisent dans les couloirs. Et au «ça va ?» du premier, le second répond sèchement : «Tout dépend pour qui !»

Quelques jours plus tôt, en effet, Lula avait tranché, ordonnant à son cabinet de traiter l’éphéméride du jour comme un non-événement. Silvio Almeida fut donc prié d’annuler la cérémonie d’hommage aux victimes des années de plomb, programmé pour ce lundi 1er avril. «Je ne compte pas ressasser le passé», avait justifié le Président, se rangeant sur l’avis de José Múcio, qui lui conseillait de ne pas enfoncer le clou, alors que l’armée brésilienne traverse une crise d’image sans précédent depuis le retour à la démocratie, en 1985.

Logique d’accommodation

Voilà plusieurs semaines, en effet, que le siège de la police fédérale, le FB