Menu
Libération
Présidentielle J-6

Au Brésil, le coup de sang d’un ancien député d’extrême droite enflamme la campagne

Élection présidentielle brésilienne 2022dossier
Un allié de Bolsonaro a tiré sur la police et blessé deux agents afin d’éviter l’arrestation. A une semaine du second tour de la présidentielle, l’affaire embarrasse le président, chantre du port d’armes.
La police transporte Roberto Jefferson depuis Comendador Levy Gasparian, dans l'Etat de Rio de Janeiro, dimanche. (Bruna Prado/AP)
publié le 24 octobre 2022 à 20h02

A six jours de son dénouement, la campagne pour le second tour de l’élection présidentielle au Brésil est chauffée à blanc. Les instituts de sondage donnent une très légère avance à Lula et créditent Jair Bolsonaro d’une nette progression dans les intentions de vote. Et comme si le climat n’était pas assez tendu, un épisode inquiétant a accaparé l’attention des Brésiliens dimanche. Un ancien député, allié du président d’extrême droite, s’est retranché chez lui et n’a pas hésité à attaquer à coups de fusil ou de grenade les forces de l’ordre venues l’arrêter. Deux policiers ont été légèrement blessés, et le pare-brise d’une voiture de patrouille a volé en éclats.

Mesure d’arrêts domiciliaires

Il a fallu huit heures de négociation, menée par le ministre de la Justice en personne, pour faire revenir le forcené à la raison et pour pouvoir l’interpeller. Les faits se sont produits à Comendador Levy Gasparian, une ville de l’Etat de Rio de Janeiro. Roberto Jefferson faisait depuis plusieurs mois l’objet d’une mesure d’arrêts domiciliaires sur décision du Tribunal suprême fédéral (STF), la plus haute juridiction du pays, qu’il avait mis en cause dans le cadre d’une campagne lancée par Bolsonaro. Au mépris des obligations de son assignation à résidence, Jefferson publiait samedi sur les réseaux sociaux une diatribe où il injuriait une magistrate du STF, la prestigieuse juriste Cármen Lúcia, rebaptisée «Cármen Lucifer» et traitée de «prostituée».

La provocation, qui faisait suite à d’autres manquements, a irrité le STF qui a décidé de révoquer immédiatement sa prison à domicile. L’affaire a embarrassé le président Bolsonaro, qui a d’abord affirmé qu’il ne connaissait pas Roberto Jefferson, avant que les médias ne diffusent plusieurs photos des deux hommes ensemble, complices et rigolards. Tout en affirmant que les poursuites contre l’ex-élu étaient injustifiées, le candidat à la réélection a twitté : «Toute personne qui tire sur un policier doit être traitée comme un bandit.» Certains ont noté la contradiction entre cette fermeté affichée et un des dogmes de Bolsonaro : le droit des citoyens à acheter des armes librement et à en faire usage. Grâce à l’allégement des formalités, les détenteurs d’autorisations de port d’armes ont augmenté de 500 % sous le mandat du président d’extrême droite.

Lula, adversaire de Bolsonaro dimanche prochain, a réagi dimanche sur Twitter : «Les offenses à l’encontre de Cármen Lúcia ne peuvent être acceptées […]. On a créé dans la société une forme de violence. Une machine à détruire les valeurs démocratiques. Cela génère des comportements comme celui que nous avons vu aujourd’hui.»

Pire encore : au mois d’août, citant des ministres et des proches du palais présidentiel, plusieurs médias ont rapporté des conversations où le président, confronté à l’hypothèse d’un procès et d’un emprisonnement après avoir quitté le pouvoir, affirmait : «Je tirerai pour tuer. Personne ne m’emmènera en prison. Plutôt mourir.» Des propos que l’intéressé n’a pas démentis. La gestion fébrile de la crise par Jair Bolsonaro était soulignée dans la presse de lundi. Un des signes de cette nervosité : l’envoi d’un membre de son gouvernement sur place pour parler au forcené, à la place d’un responsable moins haut placé.

Pelé convalescent

Dimanche a été publié un émouvant message, sur Instagram par Edson Arantes Do Nascimento, dit «Pelé», à l’occasion de son anniversaire. Convalescente après un traitement contre un cancer du côlon détecté en 2021, la légende du football s’est gardée de faire la moindre allusion à l’élection présidentielle. «82 ans, c’est un cadeau de Dieu. J’espère que nous continuerons beaucoup de temps ensemble», a simplement déclaré «O Rei».