On parle désormais d’elle comme d’un gourou. Kat Torres, ancienne mannequin brésilienne et influenceuse bien-être, a été condamnée à huit ans de prison pour trafic d’être humain et «esclavage». Elle a notamment exploité deux jeunes brésiliennes, portées disparues en 2022. Ses victimes étaient forcées à travailler gratuitement, ainsi qu’à se livrer à des prestations sexuelles tarifées au profit de l’influenceuse, rapporte la chaîne anglaise BBC.
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C’est d’abord la success story de Kat Torres qui a tapé dans l’œil de ses victimes. Jeune brésilienne, comme elles, sans trop de moyens, l’ex mannequin a su se faire une place au sein des hautes sphères d’Hollywood. Alors, quand Kat propose à Ana, une cliente victime de violences conjugales, de s’installer chez elle à New York pour devenir son assistante à domicile, elle accepte. On est en 2019.
Sur les réseaux, Kat apparaît alors comme une simple influenceuse qui promet «l’amour, l’argent et l’estime de soi dont vous avez toujours rêvé» à ses abonnés, et propose pour une centaine de dollars des consultations personnelles. A 25 ans seulement, elle sort en 2017 une autobiographie, «A Voz» (la voix), dans laquelle elle se prétend dotée de pouvoirs spirituels, dont celui de pouvoir faire de prédictions. Croyante ? Illuminée ? Pour un ancien colocataire, l’influenceuse aurait surtout sombré dans la drogue, avec l’ayahuasca (liane des esprits en quechua), un puissant hallucinogène. Et, plus qu’avec les réseaux, elle gagnerait sa vie en tant que sugar baby, ces femmes qui vivent de leurs relations avec des personnes plus riches et âgées.
La désillusion
Comme les autres abonnés de Kat, Ana ne sait rien de tout cela quand elle emménage à New York, laissant derrière elle ses études. Elle peine néanmoins à reconnaître l’appartement de l’influenceuse, et s’étonne «du désordre, de la saleté et de la mauvaise odeur» qui en émane, rapporte la BBC. Rapidement, Ana doit être à disposition de Kat à tout instant, la suivre quand elle prend sa douche, se contenter de dormir dans un canapé couvert d’urine de chat, n’est jamais payée. «Maintenant, je comprends qu’elle s’est servie de moi comme d’une esclave», explique désormais la victime, qui a pris la fuite au bout de trois mois.
Pour d’autres, le calvaire est allé plus loin encore. En 2022, Kat est mariée, et possède une immense maison à Austin, au Texas. Elle a recruté trois femmes pour intégrer son «clan de sorcières» et vivre à ses côtés. Parmi elles, Desirrê et Letícia, qui finiront par être portées disparues et recherchées par le FBI. Kat attire la première en lui offrant un billet d’avion et en se disant suicidaire et en besoin d’aide. Letícia suit Torres depuis qu’elle a 14 ans, et plaque tout pour devenir sa fille au pair. La troisième, sans abri et recrutée pour réaliser lectures de tarots et séances de yoga, parvient à s’échapper.
Au bout de quelques semaines seulement, Desirrê est incitée à travailler en tant que strip-teaseuse. Les femmes n’ont pas le droit de discuter entre elles, doivent demander la permission à Kat Torres pour quitter leurs chambres et aller aux toilettes. L’influenceuse leur oblige à lui verser l’intégralité de leurs gains. Toutes deux craignent véritablement les «pouvoirs» de l’ex-mannequin et ses menaces de les «maudire».
Alors quand Kat demande à Desirrê de se prostituer, par peur, elle accepte. A ce moment, les filles doivent ramener toujours plus d’argent à l’influenceuse. Les 1 000$ (917 euros) demandés chaque jour triplent. Si la somme n’est pas réunie, les femmes restent à la rue. Pour maintenir un peu plus son emprise, l’ex mannequin menace Desirrê de la dénoncer à la police si elle venait à arrêter de se prostituer, la pratique étant illégale au Texas.
La fin du calvaire
Au Brésil, les familles des victimes s’inquiètent, et lancent un appel sur les réseaux sociaux pour les retrouver, après des mois sans nouvelles. Et pour cause : les filles ont dû bloquer leurs contacts sur leurs téléphones, et obéissent alors aveuglément à leur tortionnaire. L’histoire prend de l’ampleur, et devient médiatisée. Leur salut viendra d’Ana, l’ancienne victime de Kat, qui a immédiatement fait le lien entre cette affaire et la sienne, et contacté les autorités – dont le FBI. Les femmes sont reconnues sur un site d’escort.
En novembre 2022, après plus de 2 000 km parcourus par le clan des sorcières pour se cacher des autorités, la police convainc les femmes de se présenter – en personne –, à un contrôle au bureau du shérif de Franklin dans le Maine. Les victimes présentent des signes de méfiance et de dépendance à leur bourreau, que les autorités associent rapidement à une emprise de Kat et, avec les autres éléments à leurs dispositions, à du trafic d’être humains. En décembre de la même année, les deux femmes ont pu retourner au Brésil. Pour le moment, une vingtaine de femmes ont déclaré avoir été victimes de l’influenceuse. Beaucoup d’entre elles font l’objet d’un suivi psychiatrique face au trauma vécu à cause de Kat Torres.