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Libération
Présidentielle J-3

Au Brésil sous Bolsonaro, une prolifération des armes alarmante

Élection présidentielle brésilienne 2022dossier
Les facilités accordées par Jair Bolsonaro ont fait exploser les permis de port d’armes et les ventes de fusils et de pistolets. Les partisans de Lula redoutent que certains n’en fassent usage, dimanche dans les rues, en cas de défaite du président.
Dans un club de tir de Sao Paulo. La culture des armes n’était pas répandue dans le Brésil d’avant Bolsonaro. (Matias Delacroix/AP)
publié le 27 octobre 2022 à 20h53

S’il est un domaine où le Brésil a profondément changé en quatre ans, c’est bien celui des armes à feu. L’ancien militaire Jair Bolsonaro avait fait de la libéralisation de ce marché une des priorités de sa campagne. Son argument : les citoyens ont le droit de se protéger face à une insécurité endémique. Le geste de ralliement de ses partisans était d’ailleurs un pistolet formé avec le pouce et l’index. Pendant le mandat du président d’extrême droite, le nombre de permis de port d’arme a grimpé de 500 %, les ventes de revolvers et de fusils de 90 % par rapport à la période précédente. Pendant ce temps, la criminalité n’a que très légèrement baissé.

Plus de quarante décrets présidentiels ont simplifié les formalités pour permettre aux particuliers de détenir des armes. Le demandeur ou la demandeuse doit rencontrer un psychologue assermenté pour un entretien, puis passer un test de tir de quelques minutes dans une installation prévue à cet effet. L’affaire est bouclée en quelques heures. Le détenteur du permis pourra alors acheter certaines armes (revolvers, fusils), certaines de gros calibre, mais pas d’engins de guerre type fusil-mitrailleur. Et il pourra sortir avec son arsenal dans la rue uniquement s’il se rend à un stand de tir. Qui n’a plus rien à voir avec les antiques baraques de fête foraine. Ces centres d’entraînement ultramodernes ont proliféré dans le pays depuis 2019 : il s’en est ouvert plus de 1000, soit un par jour.

Cette culture des armes n’était pas répandue dans le Brésil d’avant Bolsonaro, quand les demandes de port d’armes concernaient essentiellement des chasseurs, des collectionneurs et des amateurs de tir sportif. Les décrets pris par le président ont aussi relevé le nombre d’armes et de munitions qu’une seule personne peut acquérir. Un des grands gagnants de la réforme est le fabricant brésilien Taurus, qui a vu ses bénéfices grimper de 323 % entre 2018 et 2022.

Les permis de port d’armes doivent être renouvelés régulièrement mais beaucoup de détenteurs omettent de le faire. Selon l’ONG Forum brésilien de sécurité publique, un tiers des 4,4 millions d’armes vendues légalement correspondent à des permis périmés, et sont donc hors la loi. Certaines pourraient avoir fini entre les mains des groupes criminels.

Cette circulation des armes parmi les citoyens entraîne dérapages et bavures dans des affaires d’autodéfense. En mai, à Capao Redondo, dans la banlieue sud de Sao Paulo, une institutrice de maternelle a vu avec effroi un de ses élèves de 4 ans sortir un revolver de son cartable pour le montrer à ses potes. L’objet lui a été rapidement confisqué.

Dimanche, un ancien député s’était retranché chez lui et avait tenu tête plusieurs heures durant à la police venue l’arrêter. Il a tiré plus de 80 balles et lancé trois grenades qui ont légèrement blessé deux agents. La hantise des adversaires du président dimanche : qu’un résultat défavorable à Bolsonaro incite ses partisans à sortir dans la rue, les armes à la main.