La voie semblait toute tracée pour les conservateurs. Après dix ans au pouvoir du Premier ministre libéral Justin Trudeau, le parti emmené par Pierre Poilievre se voyait revenir aux affaires. Mais c’était sans compter le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d’annexion. A Ottawa, où les libéraux se sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l’annonce des résultats qui les donne vainqueurs des élections législatives lundi 28 avril, a provoqué une salve d’applaudissements et des cris enthousiastes.
À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l’avenir du pays qu’il était la bonne personne pour le piloter en ces temps troublés. Cela faisait des années que les rumeurs annonçaient son entrée en politique. Mais c’est seulement début janvier, après la démission de Justin Trudeau, dont il a été le conseiller économique, qu’il décide de se jeter dans l’arène.
«Les Américains veulent notre pays»
Ayant conquis le Parti libéral début mars, il devient Premier ministre et déclenche des élections dans la foulée, affirmant qu’il a besoin d’un «mandat fort» pour faire face aux menaces de Donald Trump, qui cherche à «briser» le Canada. Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n’a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine était réelle pour leur territoire.
«Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays», a-t-il prévenu. «Le chaos est entré dans nos vies. C’est une tragédie, mais c’est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s’opposer au président Trump ?», a-t-il expliqué. Le libéral a donc promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place. Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.
En face, le chef conservateur, qui avait défendu des baisses d’impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n’a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux. Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu’au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l’électorat, selon les analystes. Battu, il s’engage pourtant mardi à travailler avec le Premier ministre libéral pour défendre les intérêts du pays face aux attaques de leur voisin. Près de 29 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes, et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.