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Libération
Etats-Unis

Au Congrès américain, le leader républicain Kevin McCarthy destitué par son aile droite

Le président conservateur de la Chambre des représentants a été renversé ce mardi 3 octobre par des élus radicaux de son propre parti alliés à la minorité démocrate, sur fond de querelles idéologiques et budgétaires.
Le speaker de la Chambre des représentants au Congrès américain, le républicain Kevin McCarthy, le 3 octobre. (Jonathan Ernst/Reuters)
publié le 3 octobre 2023 à 18h28
(mis à jour le 3 octobre 2023 à 22h49)

Le leader républicain de la Chambre des représentants Kevin MacCarthy destitué ce mardi par la droite dure alliée aux démocrates. Marquée au fer rouge par Donald Trump depuis près d’une décennie, l’histoire politique continue de s’écrire aux Etats-Unis sous les yeux d’observateurs ébahis. Alors qu’à New York, l’ancien président a pris place ce mardi 3 octobre pour le deuxième jour consécutif dans un tribunal de Manhattan, où se tient son procès civil pour fraudes, à Washington, le Parti républicain s’est déchiré au Congrès.

La cible, cette fois, n’était pas le démocrate Joe Biden, mais le chef républicain de la Chambre des représentants, le Californien Kevin McCarthy, qui pourrait se voir évincé de son poste de «speaker» en raison de querelles fratricides au sein du parti conservateur. La motion pour le destituer, déposée par un représentant de la droite dure, Matt Gaetz, a être examinée dans la soirée. Auparavant une motion pour la bloquer n’avait pas recueilli de majorité, 11 élus ultra conservateurs ayant voté contre, aux cotés des démocrates. De quoi laisser peu d’incertitude sur le sort réservé au leader de la Chambre. «Nous ne pouvons voir confiance dans la parole du speaker Mac Carthy. Mac Carthy c’est le chaos» a martelé Matt Gaetz en réponse à un de ses collègues républicains venu en défense du leader de la Chambre. Les parlementaires ont voté par 216 voix en faveur de sa destitution et 210 contre à 22h46 (heure de Paris).

«Accord secret»

Matt Gaetz et ses camarades reprochent principalement à Kevin McCarthy d’avoir négocié avec les élus démocrates un budget provisoire pour financer l’administration fédérale, auquel s’opposaient de nombreux conservateurs. Il accuse aussi le ténor républicain d’avoir conclu un «accord secret» avec le président Joe Biden sur une possible enveloppe pour l’Ukraine. Or, l’aile droite du Parti républicain s’oppose vivement au déblocage de fonds supplémentaires pour Kyiv, estimant que cet argent devrait plutôt servir à lutter contre la crise migratoire à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

Très rarement utilisée dans l’histoire parlementaire américaine, et pour la dernière fois il y a plus d’un siècle, cette manœuvre procédurale de destitution a déclenché une épreuve de force périlleuse à la chambre basse, où les républicains disposent d’une étroite majorité. Plus que jamais menacé, le président de la Chambre s’était toutefois voulu confiant, mardi matin : «Je pense que je vais tenir le coup», avait-il déclaré à la presse, quelques heures avant l’examen de la motion de censure.

Pour être adopté, cette dernière nécessite un vote à la majorité de la Chambre. Que l’immense majorité des élus républicains soutienne Kevin McCarthy importe peu : les trumpistes radicaux sont suffisamment nombreux pour le faire tomber, compte tenu de la très fine majorité républicaine dans cette institution. A moins que les démocrates ne viennent, avec leurs voix, à la rescousse du «speaker».

Destitution inédite

Ces derniers s’étaient réunis mardi matin (dans l’après-midi à Paris) pour décider si Kevin McCarthy – qui a lancé il y a moins d’un mois une enquête en destitution sur le président américain, cédant aux pressions des élus les plus radicaux de sa majorité – méritait ou non, d’être sauvé. «Nous avons de vrais problèmes de confiance avec les leaders républicains et avec les républicains en général», avait déclaré le chef démocrate Hakeem Jeffries sur MSNBC juste avant la réunion. Selon plusieurs médias américains, la totalité des élus démocrates aurait l’intention de voter pour faire tomber Kevin McCarthy. Ils sont effectivement passés à l’acte lors du vote.

Cette destitution est complètement inédite : jusqu’à ce mardi aucun «speaker» n’avait été évincé de son poste dans l’histoire des Etats-Unis. Pour se sortir de cette impasse, le quinquagénaire a donc tenté en vain d’utiliser une série de manœuvres procédurales. En vain. McCarthy, 58 ans, avait déjà été élu au forceps en janvier, après quinze tours de scrutin, en raison de cette très mince majorité républicaine issue des élections de mi-mandat de novembre dernier.

Pour accéder au perchoir, il avait dû faire d’énormes concessions à une vingtaine de trumpistes, dont la possibilité que n’importe quel élu ait, individuellement, le pouvoir de convoquer un vote pour le destituer. Une promesse qui lui est revenue aujourd’hui comme un boomerang.