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Au Mexique, arrestation de l’un des fils du célèbre narcotrafiquant «El Chapo»

Ovidio Guzmán, narcotrafiquant présumé âgé de 32 ans et surnommé «El Ratón» (la Souris) a été arrêté à Culiacan jeudi soir par les forces de sécurité mexicaines.
Capture d'écran de fichier datée du 17 octobre 2019 d'une vidéo publiée le 30 octobre 2019 par le Centre de production de programmes informatifs et spéciaux (CEPROPIE) du gouvernement mexicain montre le moment de l'arrestation du trafiquant présumé Ovidio Guzman. (Photo/AFP)
publié le 6 janvier 2023 à 9h10

Parfois, la réalité dépasse la fiction. Et jeudi soir, les forces de sécurité mexicaines nous en ont donné la preuve en capturant lors d’une opération musclée, à Culiacan – capitale de l’Etat de Sinaloa – Ovidio Guzmán, l’un des fils du célèbre baron de la drogue emprisonné aux Etats-Unis, Joaquín «El Chapo» Guzman, lors d’une opération menée dans le Nord-Ouest du pays. Surnommé «El Ratón» («la Souris»), Ovidio Guzmán est accusé de diriger la «faction Los Menores, liée au cartel du Pacifique», autre nom du cartel de Sinaloa, fondé il y a quatre décennies par son père, lui-même emprisonné à vie aux Etats-Unis.

Or, cette arrestation intervient trois jours seulement avant l’arrivée au Mexique du président américain Joe Biden – et alors même que les Etats-Unis offraient cinq millions de dollars pour la capture des fils de Joaquín «El Chapo» Guzmán . Pour autant, le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a nié qu’il s’agissait d’un geste de son gouvernement à l’égard de Washington, et exclut toute extradition «express» d’«El Ratón».

Car en octobre 2019 déjà, Ovidio Guzmán avait été brièvement arrêté, puis relâché sur ordre du président Andrés Manuel López Obrador après un violent soulèvement à Culiacan consécutif à son arrestation. Le président s’était justifié de cette décision critiquée, arguant qu’un bain de sang avait été évité. D’ailleurs, selon David Saucedo, spécialiste des questions de sécurité, la capture de Guzmán «n’est pas une conséquence de la visite de Biden, mais bien de la pression que les Américains ont exercée sur le gouvernement fédéral» après l’arrestation ratée de 2019.

Coups de feu

Le narcotrafiquant présumé de 32 ans a été transféré à bord d’un avion de l’armée de l’Air jusqu’à Mexico, où il a d’abord été entendu par le parquet. Des images diffusées par des médias locaux montrent Guzmán, barbu et vêtu d’un gilet orange, monter ensuite à bord d’un hélicoptère en direction de la prison d’El Altiplano, d’où son père s’était évadé en 2015. Selon plusieurs médias mexicains, citant des sources fédérales, un autre chef du cartel de Sinaloa a été arrêté.

A Culiacán, d’intenses échanges de tirs entre forces de sécurité et hommes armés ont suivi l’arrestation et plusieurs véhicules ont été incendiés. Selon Ruben Rocha, gouverneur de l’Etat de Sinaloa, un garde national a été tué et 28 personnes hospitalisées. Les tirs ont notamment eu lieu à l’aéroport de la ville, où les vols ont été suspendus. Un avion de ligne et un appareil militaire ont été touchés par des balles, et des images diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des passagers se recroqueviller pour échapper aux balles, et des travailleurs aéroportuaires se cacher derrière leurs comptoirs.

Une affaire de famille

Ovidio Guzmán est le membre le plus connu du clan de «Los Chapitos» qui comprend aussi ses trois frères, Joaquín, Ivan Archivaldo et Jesús Alfredo, également impliqués dans le trafic de drogue, selon les autorités mexicaines. Recherché par les autorités américaines pour trafic de cocaïne, de méthamphétamine et de marijuana aux Etats-Unis, le département d’Etat américain affirme que «El Ratón» est entré dans le narcotrafic après la mort par balles de son frère Edgar en 2008 à Culiacán. Avec son autre frère Joaquín, ils ont alors commencé à acheter de la marijuana au Mexique, de la cocaïne en Colombie et de l’éphédrine en Argentine pour produire de la méthamphétamine.

Selon les autorités américaines, Ovidio Guzmán a la main sur plusieurs laboratoires clandestins qui produisent entre 1 360 et 2 200 kilogrammes de méthamphétamine par mois. Et selon un rapport du département d’Etat, ces différentes drogues «sont vendues à d’autres membres du cartel et à des distributeurs aux Etats-Unis et au Canada».

Entre la coke et les amphètes : le fentanyl

Par ailleurs, le cartel de Sinaloa est considéré par l’Agence américaine antidrogue (DEA) comme le principal responsable du trafic de fentanyl, un opiacé 50 fois plus puissant que l’héroïne, qui a causé des dizaines de milliers de décès par overdose aux Etats-Unis. «D’autres informations indiquent qu’Ovidio a ordonné l’assassinat d’informateurs, d’un trafiquant de drogue et d’un chanteur célèbre qui a refusé de chanter à son mariage», ajoute le rapport.

Après avoir tenté sans succès pendant 15 ans de vaincre les puissants cartels à l’aide de la force armée, les Etats-Unis et le Mexique ont infléchi leur coopération antidrogue en 2021 pour s’attaquer davantage à la pauvreté, à la racine du narcotrafic. Enfin, une autre opération policière a été menée jeudi à Ciudad Juárez, dans le Nord du Mexique, au cours de laquelle le chef d’un gang allié au cartel de Juárez dans sa guerre contre celui de Sinaloa a été tué. Ce dernier, Ernesto Piñón, alias «El Neto», s’était évadé dimanche avec 24 autres prisonniers d’une prison de la ville lors d’une attaque armée contre l’établissement pénitentiaire qui a fait 19 morts, dont dix gardiens.