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Libération
Vu de Mexico

Au Mexique, élections et festival des candidatures bidons

Début juin, le pays connaîtra les plus grandes élections de son histoire. Les partis, dépassés par le nombre de candidats à trouver, recrutent à peu près n’importe qui...
Le catcheur Blue Demon, est candidat à un poste de maire. (Alejandro Godinez /LatinContent. Getty Images)
publié le 19 février 2021 à 7h29

Ce sera le rendez-vous politique et un record. Le 6 juin, se tiendront les plus grandes élections fédérales, régionales et municipales jamais organisées au Mexique : 500 sièges de députés et plus de 20 000 mandats locaux seront renouvelés. Dépassés par l’ampleur de l’enjeu, les partis raclent les fonds de tiroirs pour dénicher des candidats. De préférence des figures connues du public, susceptibles d’engranger des voix.

A Mexico par exemple, trois catcheurs monteront sur le ring électoral pour décrocher différentes mairies, parmi les seize en jeu dans la capitale. La lucha libre («lutte libre») mexicaine, discipline folklorico-sportive, est une fabrique d’idoles populaires. Blue Demon Jr, Carístico et Tinieblas Jr feront campagne sans se départir de leurs masques, qui couvrent l’entièreté de leur tête. Curieusement, les autorités électorales s’adaptent aux règles de ce sport et autorisent les candidats à ne pas révéler leur visage aux électeurs. Sur le bulletin de vote, à côté de leur nom de scène, devra cependant figurer leur vraie identité.

Le festival de candidats fantasques est devenu une tradition au Mexique, où les listes charrient leur lot de footballeurs, de boxeuses, de clowns et de stars de telenovelas… Parmi eux, rares sont ceux qui ont manifesté un intérêt réel pour la politique ou pour les inquiétudes des électeurs. La chanteuse Paquita la del Barrio (Paquita, celle du quartier) l’a reconnu avec l’aplomb qui la caractérise lors de la présentation de sa candidature : «Je ne sais pas ce que je fais là, mais il y a des gens à mes côtés qui me diront ce que je dois faire», avant de parfaire le spectacle en entonnant l’un de ses succès.

Plainte pour viols

Dans une chronique publiée dans la presse, l’écrivain Emiliano Monge relatait récemment le coup de fil exaspérant qu’il reçut d’un cadre de parti qui s’évertuait à lui offrir une campagne, un bureau, une équipe à son service, le package complet d’une candidature sans message.

Mais les candidats bas de gamme, avec leur nom pour tout programme, côtoient des professionnels de la politique, qui sont parfois encore plus infréquentables. Félix Salgado se présente au poste de gouverneur de l’Etat du Guerrero (sud), alors que trois femmes ont porté plainte à son encontre pour viols, et d’autres l’accusent de harcèlement et d’abus sexuels. Le scandale s’est amplifié avec le soutien apporté à Salgado par le président Andrés Manuel López Obrador, qui traite par-dessus la jambe ces accusations, «des attaques habituelles en période électorale» selon lui.

Peut-être le candidat du Guerrero aurait-il dû s’affubler d’un masque et d’un surnom afin d’éviter que ses victimes ne le reconnaissent ? Ou faire comme ce candidat à une mairie du sud du pays qui, en 2010, a corrompu un fonctionnaire qui lui a procuré un certificat de décès en son nom, ce qui lui a permis d’éluder une enquête judiciaire pour viol et d’être élu, en tant que mort-vivant. Dans tous les cas, Paquita la del Barrio pourrait dédier à Félix Salgado son tube anti-machiste, Rata de dos patas («Rat à deux pattes»).