Ils franchissent un pont qui les ramène au Mexique, mais ils l’ignorent. Quand ils voient le mur en contrebas, ils comprennent. Plusieurs fois par jour, des groupes de migrants centraméricains sont expulsés à leur insu par l’un des ponts qui relient El Paso, aux Etats-Unis, à Ciudad Juárez. Une femme observe un long silence avant d’admettre qu’elle ignore dans quel pays elle se trouve. Dans son dos, certains ont «plus ou moins compris». «Mexico…» susurre-t-on.
Quelques cris, un désespoir mêlé de consternation et de révolte, fusent. Les adultes scrutent les alentours, désorientés dans ce dédale de murs et de grillages, tenant leurs enfants dans les bras ou par la main. De l’autre, ils agrippent un sac transparent frappé du sigle «Homeland Security», qui contient les maigres vestiges de leur séjour dans un centre de détention aux Etats-Unis : des galettes salées, quelques papiers chiffonnés…
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Delmi, une jeune femme qui a quitté le Salvador à la mi-mars avec sa fille de 5 ans, explique, la voix entrecoupée de sanglots, qu’elle a traversé le Rio Bravo (fleuve frontière que les Américains appellent Rio Grande) quatre jours plus tôt, à plus de mille kilomètres de là. «Ce matin, ils nous ont fait monter dans un avion, ils nous ont dit qu’ils nous transféraient dans un autre centre aux Etats-Unis pour demander l’asile, raconte-t-elle. Nous sommes arrivés au pont et ils nous ont dit de marcher. Alors nous avons marché, sans savoir. En fait, ils nous ont jetés de