Huit et dix ans d’emprisonnement. Ce sont les peines requises par un juge de Managua contre deux femmes ayant la double nationalité française et nicaraguayenne, Jeannine Horvilleur Cuadra, 63 ans, et sa fille Ana Alvarez Horvilleur, 43 ans, et le mari de cette dernière, le Nicaraguayen Félix Roiz, 56 ans. A l’issue d’un procès tenu à huis clos mardi et mercredi, les trois accusés ont été déclarés coupables de «trahison», d’«atteinte à la souveraineté nationale» et de «diffusion de fausses informations» sur les réseaux sociaux. La décision du tribunal sera connue le 26 janvier.
Arrestations arbitraires
Jeannine Horvilleur et Ana Alvarez sont l’épouse et la fille de Javier Alvarez Zamora, un dirigeant de l’opposition au régime socialiste du président dictateur Daniel Ortega et de sa femme Rosario Murillo. Le 13 septembre, deux jours avant la fête nationale, la police faisait irruption au domicile de l’opposant à Managua afin de l’arrêter, ignorant qu’il avait pris le chemin de l’exil plusieurs semaines auparavant. Sa femme, sa fille et son gendre ont donc été embarqués à sa place, même si aucun n’avait de participation active au débat politique.
Ces arrestations arbitraires, habituelles de la part du régime ortéguiste, ont soulevé l’indignation en France, où le Quai d’Orsay suit de près le sort et l’état de santé des deux femmes, ayant la nationalité française. Leur cousine, la rabbin et écrivaine Delphine Horvilleur, s’était inquiétée dès mardi de leur procès. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), le Conseil des droits de l’homme des Nations unies et le Comité international de la Croix-Rouge se sont aussi saisis de l’affaire.
Demain aura lieu une audience, pour Jeanine et Caroline Horvilleur-Alvarez, franco-nicaragayennes emprisonnées depuis 4 mois! Ne les oublions pas et agissons pour leur libération. https://t.co/m7tWrAqUOr
— Delphine Horvilleur (@rabbidelphineH) January 17, 2023
Le parquet a requis mercredi des peines de huit ans de détention pour les deux femmes, et de dix ans pour Felix Roiz. Ces condamnations, qui restent à confirmer par le tribunal, sont considérées comme un chantage pour obtenir le retour dans le pays de Javier Alvarez Zamora. Lequel, exilé au Costa Rica voisin, a affirmé au média d’opposition Articulo 66, une fois la nouvelle connue : «Je ne vais pas faire amende honorable, je ne vais céder, je vais rester fidèle aux idéaux qui sont les miens et auxquels personne ne me fera renoncer.»
Méthode de pression
Au moins 200 opposants et critiques du gouvernement du président Daniel Ortega sont actuellement emprisonnés au Nicaragua sous l’accusation de «trahison» et d’«atteinte à la souveraineté du pays». L’une des plus célèbres est l’ancienne dirigeante militaire et politique Dora María Téllez, 67 ans.
L’arrestation de membres de la famille d’opposants, exilés ou non, est érigée en méthode de pression par la dictature. L’ancien militaire Rodrigo Navarrete a ainsi été arrêté en novembre et inculpé pour «port d’armes» après avoir fait campagne pour la libération de son neveu Jaime Navarrete, incarcéré à la suite des manifestations de 2018. Selon le site Confidencial, dirigé par le journaliste Carlos Chamorro, les familles de prisonniers qui ont déposé un recours auprès de la CIDH sont particulièrement visées par les poursuites.