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Libération
Contestation

Au Pérou, la présidente Dina Boluarte s’accroche au pouvoir malgré des démissions de ministres

La chef de l’Etat a exclu de démissionner ce samedi, comme l’exigent les protestataires après des manifestations qui ont fait au moins 42 morts en cinq semaines dans le pays andin.
La présidente Dina Boluarte entourée par des membres de sa sécurité, à Lima, mardi 10 janvier. (Martin Mejia/AP)
publié le 14 janvier 2023 à 11h32
(mis à jour le 14 janvier 2023 à 11h32)

Au Pérou, le bras de fer se poursuit. Alors que la présidente, Dina Boluarte, a exclu ce samedi démissionner, les protestataires ne relâchent pas la pression. «Certaines voix provenant des partisans de la violence et des radicaux demandent ma démission, incitant la population au chaos, au désordre et aux destructions, a déclaré la chef d’Etat. A eux je leur dis de façon responsable : je ne vais pas démissionner, mon engagement est avec le Pérou.»

Pourtant, en deux jours, trois membres du gouvernement de Dina Boluarte ont déjà démissionné : le ministre du Travail Eduardo Garcia, en désaccord avec la gestion des manifestations par le gouvernement, celui de l’Intérieur Victor Rojas, et la ministre de la Femme et des Populations vulnérables Grecia Rojas. Leurs successeurs ont prêté serment vendredi.

En cinq semaines de manifestations, au moins 42 personnes sont mortes, dont un policier brûlé vif par la foule, selon le Défenseur du peuple (ombudsman), une organisation constitutionnelle indépendante chargée de protéger les droits et libertés des individus dans le pays andin. Par ailleurs, les protestations ont fait au moins 531 blessés, dont 175 policiers, et 328 personnes ont été arrêtées selon le parquet.

Les protestations ont éclaté après la destitution et l’arrestation le 7 décembre du président socialiste Pedro Castillo, accusé d’avoir tenté de perpétrer un coup d’Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s’apprêtait à le chasser du pouvoir. Dina Boluarte, qui était la vice-présidente de Pedro Castillo, lui a succédé conformément à la Constitution. Bien qu’elle soit issue du même parti de gauche que son prédécesseur, les manifestants voient en elle une «traîtresse» et exigent son départ ainsi que des élections immédiates.

«Je ne peux cesser de réitérer mes condoléances pour les morts de Péruviens dans les actions de protestation. Je demande pardon pour cette situation», a dit Dina Boluarte dans son message à la nation. Mais elle a refusé de convoquer une assemblée constituante, comme le réclament également les manifestants. «On ne peut pas faire cela du jour au lendemain», a-t-elle plaidé.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), qui a achevé vendredi une mission d’inspection au Pérou, a requis une enquête impartiale sur la répression des manifestations, estimant que des indices pointaient vers un «usage excessif de la force». Le parquet péruvien a pour sa part ouvert une enquête pour «génocide» contre Dina Boluarte et plusieurs autres hauts responsables.

Les manifestations et blocages se sont poursuivis vendredi dans plusieurs régions du Pérou, notamment dans la capitale Lima. De nouvelles marches ont également eu lieu à Tacna, à 1 220 km au sud-est de Lima, près du Chili. Dans un communiqué, les autorités chiliennes avaient indiqué jeudi avoir temporairement fermé la frontière «en raison de manifestations près du complexe frontalier péruvien de Santa Rosa».

Arequipa, la deuxième ville du pays, était pour sa part complètement à l’arrêt. Des barrages routiers la coupaient des régions voisines de Cusco et Puno. Des gouverneurs régionaux et plusieurs associations professionnelles du Pérou se sont joints à l’appel à la démission du président Boluarte.

«Agitateurs professionnels»

«Combien de morts supplémentaires le maintien de Dina Boluarte à la présidence va-t-il coûter ?, s’est alarmé, face à la presse, le gouverneur de Puno (sud), Richard Hancco. Tous les Péruviens, de gauche ou de droite, devraient se poser cette question. Aucune fonction ne peut être au-dessus de la vie humaine.» Les autorités des régions andines d’Apurimac et de Cusco, ainsi que 12 barreaux départementaux et le Collège national des enseignants se sont exprimés dans le même sens.

Les régions du nord du pays, poumon de l’économie péruvienne où sont situées la plupart des industries, sont pour le moment épargnées par les protestations. Le gouvernement attribue les troubles à des «agitateurs professionnels financés par de l’argent illégal».

La police a annoncé l’arrestation d’une dirigeante syndicale de la région d’Ayacucho, Rocio Leandro, accusée de financer les manifestations et de recruter des manifestants. Selon un porte-parole de la police, le général Oscar Arriola, Rocio Leandro appartenait, sous le nom de guerre de «Camarade Cusi», au défunt groupe armé maoïste Sentier Lumineux.