Sur les hauteurs de la rive caillouteuse du fleuve Madre de Dios, les yeux encore endormis scrutent la rive opposée. Si des Mashco Piro devaient se présenter, ce serait en face, au petit matin, sous le soleil rougi par les fumées des incendies alentour. «Ils s’assoient et ils nous appellent. Ils ne partent pas tant qu’on ne leur a rien donné», raconte Antonio Trigoso, garde du poste de surveillance, à une demi-heure en barque de la communauté Yine de Diamante et ses 330 habitants, au sud de l’Amazonie péruvienne.
Depuis bientôt dix ans, Antonio et sa dizaine de collègues, villageois employés du ministère de la Culture, interagissent avec une cinquantaine de Mashco Piro. Une situation inédite. Ailleurs, la ligne des autorités est stricte : aucun contact, afin de les protéger des maladies contre lesquelles ils ne sont pas immunisés et de respecter leur isolement, moins «volontaire» que subi pour assurer leur survie. Dans une zone de 8 millions d’hectares, entre le Brésil et le Pérou, au moins 750 Mashco Piro refusent ou craignent le contact depuis leur probable fuite, à la fin du XIXe siècle, des massacres perpétrés sur leurs terres par le baron du caoutchouc Fitzcarrald.
Mais à Diamante, le ministère de la culture n’a pas eu le choix. Dans les années 2010, le défilé de bateaux vrombissants s’est intensifié sur le fleuve, multipliant les occasions pour les touristes, les villageois Yine et les commerçants, d’apercevoir des Mashco Piro sur la rive, limite de la réserve de