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Libération
Rolexgate

Au Pérou, six ministres démissionnent après une perquisition chez la présidente, soupçonnée de corruption

Six des dix-huit membres du gouvernement péruvien ont démissionné lundi 1er avril, sans présenter de justification précise. Deux jours plus tôt, des policiers avaient fouillé le domicile de la présidente Dina Boluarte, visée par une enquête pour des faits présumés d’enrichissement illicite liés à des montres Rolex qu’elle est soupçonnée de posséder.
La présidente péruvienne Dina Boluarte en pleine allocution télévisée après la perquisition de son domicile, samedi à Lima. (Sebastian Castaneda/REUTERS)
publié le 2 avril 2024 à 10h29

Le Pérou s’enfonce dans la crise politique. Deux jours après une perquisition au domicile de la présidente Dina Boluarte, visée par une enquête pour des faits présumés d’enrichissement illicite liés à des montres Rolex qu’elle est soupçonnée de posséder, six des dix-huit membres du gouvernement ont annoncé leur démission, lundi 1er avril.

«Je pars parce que je lui ai demandé et [Dina Boluarte] a accepté», a d’abord déclaré le ministre de l’Intérieur Victor Torres, à la sortie du palais présidentiel et du conseil des ministres. En poste depuis le 21 novembre, il a invoqué des «problèmes familiaux». Quelques heures plus tard, les ministres respectivement de l’Education, de la Femme, du Développement agraire, de la Production et du Commerce extérieur ont également annoncé leur départ, sans fournir de raison. En pleine nuit, la présidente Dina Boluarte a fait prêter serment aux six nouveaux ministres nommés en remplacement des partants.

Des montres absentes de sa déclaration de patrimoine

Cette vague de démissions est survenue à l’avant-veille du vote d’investiture, mercredi par le Parlement, du nouveau Premier ministre Gustavo Adrianzen et de son gouvernement. Diplomate de centre-droit de 57 ans, Gustavo Adrianzen a remplacé Alberto Otarola, lui-même visé par une enquête pour trafic d’influence, dans un pays rongé par la corruption des élites politiques.

Dans la nuit de vendredi à samedi, le domicile de la cheffe de l’Etat et son bureau présidentiel avaient été fouillés par une quarantaine de policiers et de magistrats, à la recherche de montres Rolex que la présidente est accusée de ne pas avoir mentionnées dans sa déclaration de patrimoine. Le scandale a éclaté le 15 mars, quand un site d’information local a publié une série de photos montrant Dina Boluarte portant différentes montres de luxe alors qu’elle était au gouvernement en 2021 et 2022.

Après les perquisitions de samedi, le parquet a sommé Dina Boluarte de présenter les montres en sa possession lors d’une convocation prévue vendredi. La défense de la présidente affirme que la police a trouvé quelques montres lors des opérations au palais du gouvernement, mais aucune Rolex. L’opposition demande la destitution de la présidente, mais ne dispose pas de la majorité au Congrès, contrôlé par les partis de droite.

La présidente jure qu’elle a les «mains propres»

La police qui, au côté du parquet, a effectué les perquisitions surprise dans le cadre du «Rolexgate», était théoriquement dirigée par le ministre Victor Torres. Selon plusieurs médias, une partie du gouvernement lui aurait demandé de destituer le colonel qui a dirigé les opérations. Il a préféré partir, tout en défendant la présidente. «Si Dina Boluarte part, le Pérou coulera», a commenté le ministre de l’Intérieur démissionnaire. «Madame n’a rien à cacher. Je pars en paix, les mains propres», a ajouté Victor Torres.

Devenue présidente après la destitution début décembre 2022 et l’arrestation du chef d’Etat de gauche Pedro Castillo, dont elle était la vice-présidente, Dina Boluarte, 61 ans, a elle aussi assuré avoir les «mains propres» et ne posséder qu’une montre. Elle fait déjà l’objet d’une enquête pour «génocide, homicide aggravé et blessures graves» après la mort de plus de 50 personnes durant les deux mois de troubles sociaux qui ont accompagné son accession à la tête de l’Etat. En cas de poursuites, la présidente péruvienne ne pourra, en vertu de la Constitution, être jugée avant juillet 2026, date de la fin de son mandat.