Menu
Libération
Amérique centrale

Au Salvador, 9 000 arrestations en deux semaines pour lutter contre les gangs

Deux semaines après l’instauration de l’état d’urgence face à une flambée d’homicides, les autorités salvadoriennes se targuent d’avoir arrêté 9 000 gangsters, un record particulièrement élevé.
Des hommes suspectés d'être liés à des gangs sont emmenés en prison par la police, à San Salvador, le 1er avril. (jose cabezas/REUTERS)
publié le 11 avril 2022 à 16h49

Les arrestations continuent au Salvador à un rythme impressionnant. La police nationale (PNC) assure ce week-end avoir interpellé plus de 9 000 gangsters présumés en à peine deux semaines, dont 507 sur la seule journée de samedi. Un record. La nouvelle a rapidement été relayée par le très connecté président du pays, Nayib Bukele, qui assure que cela va «continuer». Depuis quinze jours, son compte Twitter est truffé de vidéos d’arrestations d’hommes ultra-tatoués, comme le sont souvent les membres de la Mara Salvatrucha (MS-13) et du Barrio 18, les deux principales maras (gangs) du pays. Il se targue aussi d’une gestion qui a permis une chute drastique du nombre d’homicides.

Car cette vague d’arrestations, ou plutôt ce tsunami, s’inscrit dans le cadre de l’état d’urgence imposé à la fin du mois de mars après une flambée d’assassinats : 87 tués entre le 25 et le 27 mars dont 62 pour la seule journée du 26, la plus sanglante dans le pays au XXIe siècle. Accusé d’un autoritarisme croissant, Nayib Bukele n’a pas tendance à faire dans la demi-mesure et préfère faire trop que pas assez. Beaucoup trop même pour de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme qui dénoncent des arrestations arbitraires de citoyens lambda. Certaines appellent les Salvadoriens à signaler les abus qui se multiplient. Le journal la Prensa évoque par exemple l’arrestation de 21 personnes, vendredi, à Credisa de Soyapango. Bon nombre d’entre elles sont les employés d’un café bien connu des habitants. Finalement relâchés «grâce à la pression citoyenne», écrit le journal.

Dérive autoritaire

Pour mener à bien la politique répressive des autorités, le Parlement, où les partisans du jeune président sont majoritaires, a adopté des lois particulièrement dures. Contre les membres des maras d’abord, dont la peine pour appartenance à un gang a été multipliée par cinq (de 9 à 45 ans d’emprisonnement). Mais aussi contre les médias puisque toute diffusion d’un message de gang peut désormais être punie par quinze ans de réclusion. «Une réforme qui vise à réduire au silence les médias indépendants» déplorait la semaine dernière l’ONG Amnesty International.

Une dérive autoritaire qui inquiète jusqu’aux Etats-Unis. Tout en condamnant «la hausse de la violence des gangs et des homicides», le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, appelait hier le gouvernement salvadorien à sauvegarder «les libertés individuelles, les libertés de la presse et d’expression et le droit de manifester pacifiquement». Réponse sans détour et en anglais par tweet interposé du président Nayib Bukele qui ironise sur «les libertés individuelles» à Guantánamo : «Vous avez des terroristes qui vous menacent et nous avons des terroristes qui nous menacent.»

Reste que la méthode suscite des interrogations légitimes. Ne serait-ce que pour la gestion d’autant de prisonniers. Au Salvador, quelque 16 000 gangsters étaient déjà derrière les barreaux sur un total estimé à 70 000 dans le pays. Avec 9 000 nouveaux pensionnaires, les prisons doivent déjà être pleines à craquer, et elles ne risquent pas de désemplir de sitôt vu le nouvel arsenal législatif adopté par le pays.