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Répression

Au Salvador, «la plus grande prison d’Amérique» inaugurée pour incarcérer 40 000 gangsters

Le président Nayib Bukele a dévoilé mardi cette prison géante alors que 63 000 membres supposés de gangs sont détenus par les autorités salvadoriennes. De nombreuses organisations des droits humains dénoncent ses méthodes autoritaires et violentes.
Des gangsters présumés dans la prison de Quezaltepeque en 2016. (Juan Carlos/Hans Lucas)
publié le 1er février 2023 à 11h44

Une prison de la démesure pour une répression démesurée. Mardi 31 janvier, Nayib Bukele a présenté avec quelques mois de retard ce qui a la prétention d’être «la plus grande prison d’Amérique». Le président autoritaire et populiste du Salvador, connu pour sa ligne extrêmement dure contre le crime, compte y enfermer jusqu’à 40 000 gangsters présumés. Alors qu’aucune date de transfert des premiers prisonniers n’a encore été communiquée, ils sont en tout près de 63 000 à être détenus par les autorités salvadoriennes.

Construit dans une zone rurale isolée proche de Tecoluca, à 74 kilomètres au Sud-Est de la capitale San Salvador, ce gigantesque centre pénitentiaire s’étend sur 166 hectares, a détaillé le ministre des Travaux publics, Romeo Rodriguez. Ce «centre de confinement du terrorisme» sera surveillé en permanence par 600 soldats et 250 policiers, et les détenus seront obligés de travailler. D’après Nayib Bukele, les gangsters emprisonnés par les gouvernements précédents avaient accès à des «prostituées, des PlayStation, des écrans, des téléphones portables et des ordinateurs» dans les autres prisons.

«Un entassement extrême dans des centres de détention submergés»

Les arrestations massives d’individus suspectés d’être criminels par le gouvernement du Salvador, dans le cadre de sa «guerre» contre les gangs, sont critiquées par des organisations de défense des droits humains. Un état d’exception permet aux autorités de détenir des suspects sans ordonnance juridique. Il a été approuvé par le Congrès en réponse à un déferlement de violences qui a fait 87 morts entre le 25 et le 27 mars. Un mois après le décret, 20 000 personnes suspectées d’appartenir à des maras (gangs criminels) avaient déjà été arrêtées. Soit plus de 0,5 % de la population masculine du pays.

Pas plus tard que vendredi, Humans Rights Watch dénonçait une «surpopulation extrême» dans la vingtaine de centres de détention du Salvador qui comptent 30 000 places sans la nouvelle méga prison. «Les autorités salvadoriennes ont soumis les prisonniers, y compris des centaines d’enfants, à un entassement extrême dans des centres de détention submergés», a déclaré dans un communiqué la directrice de HRW pour les Amériques Tamara Taraciuk Broner. Le président Bukele rejette pour sa part les critiques faites à sa campagne contre les gangs et accuse les ONG de «défendre» les criminels.

La politique répressive et autoritaire semble néanmoins porter ses fruits. D’abord pour Nayib Bukele, dont la popularité reste particulièrement haute depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Ensuite parce que le nombre d’homicide par habitant au Salvador, pendant longtemps le pays qui présentait le taux le plus élevé au monde d’après les Nations unies (hors pays en guerre), a chuté ces dernières années. Déjà en baisse avant son élection, le nombre d’homicides pour 100 000 habitants est passé de 38 en 2019 à 7,8 en 2022.