Menu
Libération
Etats-Unis

Au Texas, le port d’armes en public sans limite

Le gouverneur républicain de l’Etat du sud des Etats-Unis a signé mercredi une loi qui autorise aux personnes de plus de 21 ans de porter une arme à feu dans les lieux publics, et ce sans permis. Un nouvel allègement de la législation qui s’inscrit dans un mouvement de libéralisation du port d’arme dans les Etats conservateurs.
En 2018 à Dallas (Texas). (Loren Elliott/AFP)
publié le 17 juin 2021 à 19h31

Porter son arme dans les lieux publics, et ce sans permis : à partir du 1er septembre, ce sera désormais possible dans l’Etat du Texas pour toutes les personnes de plus de 21 ans. La «House Bill 1927», qui met fin à l’obligation d’obtenir un permis pour porter une arme de poing, vient d’être signée, mercredi, par le gouverneur républicain de l’Etat du sud, Greg Abbott. Participer à une formation, passer un test d’aptitude, présenter ses antécédents et ses empreintes digitales ne seront plus nécessaires. Selon la version finale de la loi, adoptée le 25 mai au sein du Capitole texan largement dominé par les républicains, seul un cours en ligne sera disponible sur un site gouvernemental. Une étape supplémentaire dans la libéralisation de la loi texane en matière d’armes à feu, amorcée depuis plusieurs dizaines d’années.

Port «constitutionnel»

Le «Deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis protège le droit de porter […] des armes», et «d’utiliser [une] arme à feu à des fins traditionnellement licites telles que la défense de son domicile», explique le texte de loi. Par conséquent, aucun obstacle ne devrait empêcher tout citoyen majeur de porter son arme à feu. Hormis les personnes interdites après une condamnation judiciaire ou présentant des antécédents psychiatriques. Mais sans qu’il soit désormais possible d’en contrôler leur accès en amont.

Le gouverneur Greg Abbott s’était prononcé en faveur du texte dès fin avril, défendant le port «constitutionnel» («constitutional carry») utilisé par les proarmes en référence au Deuxième amendement. Mais près de deux ans après la fusillade qui avait provoqué la mort de 20 personnes aux abords d’un supermarché d’El Paso, le gouvernement «fait le choix d’abandonner les victimes de la violence armée», a réagi l’élue démocrate à la Chambre basse texane Veronica Escobar. «Malgré le soutien massif en faveur d’une législation sur la prévention de la violence armée, les républicains, menés par un gouverneur lâche, sont plus intéressés par ramper pour attirer l’attention du lobby des armes que de prévenir la violence par arme à feu.»

34 % des Texans soutiennent la loi

L’agenda législatif, poussé par la frange la plus conservatrice de la majorité républicaine, apparaît en effet peu en phase avec les préoccupations de l’opinion publique, analyse le professeur James Henson à l’université du Texas. Selon un sondage du Texas Politics Project, dirigé par le chercheur et publié en mai, seuls 20 % des Texans sont favorables à un allègement de la législation en matière d’armes à feu, et 34 % soutenaient la fin du permis (56 % des républicains, 10 % des démocrates).

Mais l’adoption de ce texte est une nouvelle illustration d’une politique américaine «de plus en plus polarisée», explique Didier Combeau, auteur de Etre Américain aujourd’hui (Gallimard, 2020). Les élus républicains craignent «d’être dépassés sur leur droite par plus républicains qu’eux, ce qui pousse les élus aux extrêmes dans les circonscriptions traditionnellement conservatrices». Le cas du Texas s’inscrit plus largement dans un mouvement de libéralisation du port d’armes dans les Etats conservateurs. Depuis le début de l’année, cinq Etats – Iowa, Tennessee, Montana, Utah et Wyoming – ont légiféré en faveur du port sans permis. Au total, 21 Etats se passent désormais de permis, même si les armes concernées varient selon ces derniers.

Au niveau fédéral, l’exécutif démocrate tente timidement de s’atteler à ce serpent de mer, conscient du blocage politique systématique sur le sujet des armes. Après une recrudescence des tueries de masse à la faveur des baisses de restrictions liées à la pandémie dans les lieux publics, le président Joe Biden avait annoncé une série de décrets exécutifs pour lutter contre «l’épidémie» de violence armée dans le pays. Mais dont la portée demeure limitée, faute d’une large majorité au Sénat. En 2020, au Texas, 1 768 personnes sont mortes dans des circonstances impliquant des armes à feu (hors suicides), selon le centre de recherche Gun Violence Archive.