Un Président qui envoie l’armée face à des manifestants assistant à une comédie musicale célébrant un soulèvement populaire contre un despote. Voilà la mise en abîme sans recul que Donald Trump a offerte mercredi 11 juin en assistant à Washington à une représentation de la comédie musicale les Misérables. Une sortie culturelle prévue de longue date, mais qui prend un relief particulier au vu de l’actualité, et qui s’est soldée par une bataille dans le public entre huées et applaudissements.
.@realDonaldTrump gets cheered and booed at the Kennedy Center. pic.twitter.com/KgLDhqceLD
— Jeff Mason (@jeffmason1) June 11, 2025
Adapté du roman de Victor Hugo, le spectacle, un classique de Broadway, emmène les spectateurs sur les barricades parisiennes pendant la courte insurrection de juin 1832 contre la monarchie, réprimée dans le sang par l’armée et la garde nationale. Une situation qui fait écho à celle de Los Angeles, en proie à des heurts entre manifestants opposés à la politique migratoire de Donald Trump et les milliers de soldats que le président des Etats-Unis a déployés.
Plusieurs comédiens avaient d’ailleurs décidé de boycotter le spectacle en raison de la présence de Donald Trump dans l’assistance. «Je m’en fiche complètement. Franchement. Tout ce que je fais, c’est bien gérer le pays, a répondu Donald Trump interrogé par les journalistes à ce sujet. [...] Si je n’avais pas été là […] Los Angeles serait partie en fumée.»
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La plus célèbre chanson de la comédie musicale, créée en France en 1980 puis devenue un phénomène mondial après son adaptation à Broadway, est un appel au soulèvement populaire, qui s’intitule en anglais Do You Hear the People ? (la Volonté du peuple en VF). Donald Trump l’avait fait jouer avant d’annoncer, le 15 novembre 2022, qu’il se présentait à nouveau à l’élection présidentielle. «J’aime les chansons, j’aime la pièce», a récemment affirmé le président républicain, ouvertement accusé mardi de dérive autoritaire par le gouverneur de Californie Gavin Newsom.
Dans son discours le plus virulent à ce jour sur ces débordements, Donald Trump a affirmé mardi qu’il allait «libérer» la mégapole californienne de ceux qu’il appelle des «insurgés» et des «ennemis étrangers». Newsom, opposé à ce déploiement de l’armée, a répondu mardi par une allocution très sombre, en parlant d’un «président qui ne veut être tenu par aucune loi ou constitution, menant un assaut généralisé contre les valeurs américaines».
Attaque contre le monde culturel
La soirée au Kennedy Center, prévue avant ces heurts, illustre la volonté du républicain d’affirmer son emprise sur le monde de la culture et du spectacle. Le Président a pris récemment les rênes de cette prestigieuse salle de spectacle de la capitale, où il a installé une direction faite de fidèles, chargée d’imprimer un tournant résolument antiprogressiste à la programmation.
Le spectacle de mercredi n’était pas une représentation ordinaire : la comédie musicale était donnée dans le cadre d’une soirée de levée de fonds, destinée à garnir les caisses de l’institution. Selon le Washington Post, il en coûtait deux millions de dollars pour participer à une réception et prendre une photo avec Donald Trump, en plus d’assister au spectacle dans une loge.
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Engagé dans une croisade ultra-conservatrice contre ce qu’il appelle la «propagande anti-américaine» dans l’art mais aussi dans la recherche et l’histoire, le Président a aussi repris le contrôle de plusieurs grands musées de Washington. Il a par ailleurs renvoyé les dirigeantes de deux prestigieuses institutions, la National Portrait Gallery et la Librairie du congrès.