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Droit des femmes

Avortement : l’Arizona abroge une loi, datant de 1864, interdisant totalement l’IVG

En Arizona, une loi de 1864 interdisant quasiment toute forme d’IVG avait été estimée applicable par la cour suprême début avril, est à présent annulée par le Sénat. Une décision prise dans un contexte tendu par l’élection présidentielle de novembre.
Cette loi, existant bien avant la création de l’Arizona lui-même (qui date de 1912), interdisait l’avortement dans tous les cas sauf si cela est nécessaire pour sauver la vie de la mère. (Liliana Salgado/REUTERS)
publié le 2 mai 2024 à 10h26

Enfin un peu de bon sens ? Mercredi 1er mai, le Sénat de l’Arizona a voté l’abrogation d’une loi datant de 1864 qui interdisait toute forme d’avortement, que la cour suprême de cet Etat du Sud-Ouest américain avait estimée «applicable» début avril. Une décision cruciale pour cet état pivot (ou «swing state») dans l’élection présidentielle de cette année. Depuis l’annulation du droit constitutionnel à l’avortement en 2022, chacun des 50 États des Etats-Unis peut légiférer sur ce sujet, laissant donc libre champ à la cour suprême de l’Arizona de juger cette loi de 1864 applicable en 2024.

Que dit cette loi ?

Cette loi, existant bien avant la création de l’Etat de l’Arizona lui-même (qui date de 1912), interdit l’avortement dans tous les cas sauf si cela est nécessaire pour sauver la vie de la mère – comprenez : l’avortement n’est pas permis même en cas de viol ou d’inceste. Les docteurs ayant aidé des femmes à avorter peuvent, sous cette loi, être condamnés à des amendes ainsi qu’à une peine de deux à cinq ans de prison.

En prononçant la décision de Roe v. Wade en 1973, la Cour suprême des Etats-Unis avait fait du droit à l’avortement un droit constitutionnel, et cette décision prenait donc le dessus sur toute loi étatique interdisant cette pratique, comme celle de l’Arizona. Mais en 2022, cette même Cour suprême a démantelé cette décision, et donc redonné à chaque Etat la possibilité de faire comme bon lui semble. C’est ainsi que l’Arizona a, cette même année, fait passer une loi interdisant l’avortement après quinze semaines de grossesse.

Que dit la décision de la cour suprême arizonienne ?

Mais retournement de situation, le 9 avril, la cour suprême de l’Arizona a estimé que cette loi de 1864 qui prenait la poussière depuis des décennies, puisque plus en vigueur, serait «désormais applicable», car jamais formellement abrogée. «Les médecins sont désormais prévenus que tout avortement, sauf ceux nécessaires pour sauver la vie de la mère, est illégal», avait écrit la cour, qui soulignait que l’Etat d’Arizona n’avait jamais créé de droit à l’avortement.

Cette décision avait provoqué une vive controverse dans le pays, étant condamnée par Joe Biden, mais également modérément critiquée par Donald Trump, qui estimait que la décision d’appliquer cette loi allait «trop loin». La gouverneure de l’Arizona, Katie Hobbs, avait déploré le 9 avril que cette décision «de réimposer une loi datant d’une époque où l’Arizona n’était pas un Etat, où la Guerre civile faisait rage et où les femmes ne pouvaient même pas voter, restera dans l’Histoire comme une tache sur notre Etat».

Que va-t-il se passer après la décision du Sénat de l’Arizona ?

Il reste à présent à la gouverneure de l’Arizona, la démocrate Katie Hobbs, à promulguer la décision de la chambre haute. En faisant cela, la loi instaurée en 2022 – interdisant l’avortement après quinze semaines de grossesse – redeviendra applicable, mais seulement 90 jours après la fin de la session parlementaire, c’est-à-dire le 8 août.

Katie Hobbs s’est dit «heureuse» dans un communiqué de ce vote au Sénat de l’Arizona, affirmant «avoir hâte de promulguer cette abrogation».

Comment cela pourrait affecter l’élection présidentielle américaine ?

Cette décision n’est pas sans conséquence pour l’état de l’Arizona, qui est un pivot de l’élection présidentielle de novembre 2024. Une initiative populaire avait annoncé en avril avoir recueilli les signatures nécessaires pour obtenir un référendum afin d’inscrire l’avortement dans la Constitution de l’Arizona. Ce vote devrait avoir lieu en même temps que l’élection de novembre, comme ce sera par exemple le cas en Floride, autre Etat décisif.

Or, le débat sur l’avortement est un des sujets clefs de cette élection. Le président démocrate sortant Joe Biden fait de la défense des droits des femmes un axe majeur de sa campagne pour un second mandat, face à son adversaire républicain Donald Trump. Ce dernier se targue d’avoir, par ses nominations à la Cour suprême des Etats-Unis, abouti en juin 2022 à l’annulation de la protection fédérale de l’IVG, mais insiste sur les risques électoraux d’un positionnement trop conservateur sur la question.

Pour ce qui est de l’Arizona, les démocrates s’étaient déjà emparés du sujet pour les élections locales de 2022, gagnant ainsi les élections de gouverneure (Katie Hobbs) et de procureure générale (Kriz Mayes). Elles ont toutes les deux vivement critiqué la décision de réintroduire la loi de 1864.

Depuis l’abrogation d’un droit constitutionnel à l’avortement, une vingtaine d’Etats ont interdit ou très sévèrement limité l’accès à l’IVG.