L’oratrice s’interrompt un instant, levant les yeux vers l’assemblée : «Rappelez-vous, ce ne sont pas là qu’une liste ou des statistiques, mais des personnes, des vies palestiniennes. Pensez à chacun d’eux comme des individus, des parents, des vies entières qui nous ont été prises.» Puis, d’une voix éprouvée, cherchant à dominer l’émotion, elle reprend sa litanie, qui, depuis un moment, ne consiste plus qu’en une liste de prénoms. Elle avait prévenu avant de se lancer quelques minutes plus tôt : «Je ne vais pas redire le patronyme chaque fois, les 88 prochains noms faisaient partie d’une même famille.»
Face à elle, baignée des ors bleutés de la fin du jour, une foule de quelques centaines de personnes s’est massée, bougies à la main, sur un parvis au cœur de Paterson, à une heure du centre de New York. La troisième ville la plus peuplée de l’Etat du New Jersey est connue pour le film qu’y tourna Jim Jarmusch (Paterson, 2016), mais aussi, avant tout, pour sa dense population arabo-américaine, havre de la plus importante communauté palestinienne du pays – au point que sa moitié sud s’est attiré le surnom de «Little Ramallah».
Ce jeudi après-midi, beaucoup sont venus en famille, suivant en nombre l’appel à se présenter habillés de noir et d’un k