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Réapparition

Bras de fer entre le réseau social X et le Brésil : on vous explique tout

L’ex plateforme Twitter a été suspendue le 30 août 2024 par Alexandre de Moraes, juge de la Cour suprême, pour avoir ignoré des décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation. Vingt jours plus tard, l’application est réapparue dans le pays ce mercredi 18 septembre, à la surprise générale de ses utilisateurs.
Le 19 septembre 2024, la Cour suprême du Brésil a ordonné à X d'Elon Musk de suspendre l'accès au réseau social, après que le service a été rétabli malgré une interdiction, sous peine d'une amende journalière de plus de 900 000 dollars. (Evaristo Sa/AFP)
publié le 19 septembre 2024 à 18h24

Digne des plus grands scénarios hollywoodiens, la saga entre X et le Brésil n’en finit plus. Le réseau social a été bloqué le 30 août dans ce pays d’Amérique latine, à l’issue d’un long bras de fer entre son propriétaire, le milliardaire américain Elon Musk, et Alexandre de Moraes, un juge de la Cour suprême brésilienne. Ce dernier avait ordonné le blocage de certains comptes accusés de propager des fake news sur l’application. Elon Musk avait aussitôt refusé en criant à la «censure».

X est revenu au Brésil pour une partie de ses utilisateurs

Coup de théâtre, X a fait son grand retour ce mercredi 18 septembre sur les portables de certains internautes brésiliens. L’application fonctionnait en effet via réseau cellulaire et wifi pour certains usagers, tandis que d’autres ne pouvaient toujours pas y accéder. La Cour Suprême a aussitôt lancé une enquête sur la reprise partielle du service, précisant qu’«il s’agissait seulement d’une instabilité dans le blocage de certains réseaux».

En bloquant X, le juge Alexandre de Moraes avait également instauré une amende de 50 000 reais par jour (environ 8 000 euros) pour les personnes qui recourraient à des «subterfuges technologiques» afin de contourner le blocage, comme l’usage de réseaux privés virtuels (VPN). Pas de quoi effrayer les utilisateurs brésiliens : le hashtag «Twitter est revenu» était l’un des plus commentés mercredi dans le pays.

Comment le déblocage a-t-il été possible ?

L’Agence brésilienne des télécommunications (Anatel) a précisé qu’il n’y avait eu aucun «changement de décision» de la Cour Suprême. C’est l’Association brésilienne des fournisseurs d’accès internet (Abrint) qui a élucidé le mystère : «L’application X a été actualisée […] durant la nuit, ce qui a abouti à un changement significatif dans sa structure». Selon l’Abrint, le recours de X à Cloudflare, une entreprise de cybersécurité qui utilise des adresses IP (identifiant les appareils des internautes) changeant sans cesse, «rend le blocage de l’application beaucoup plus compliqué». Auparavant, les adresses IP des utilisateurs brésiliens de X étaient fixes et facilement susceptibles de blocage. L’Anatel en a donc conclu que X avait fait preuve d’une «intention délibérée de contourner l’ordre de la Cour suprême», assurant qu’elle prendrait «les mesures nécessaires en cas de nouvelles tentatives de contourner la suspension».

Quelle est la réponse de X ?

De son côté, X a nié ces accusations en assurant que le rétablissement de son service était un effet «involontaire» d’un changement de serveur et resterait «temporaire». Elon Musk lui-même a annoncé que son application serait «rapidement» à nouveau bloquée au Brésil.

Qu’en disent les politiques brésiliens ?

Le sujet agite bien sûr les débats dans le pays. L’ex-président Jair Bolsonaro a qualifié de «dictateur» le juge Alexandre de Moraes. Bête noire des bolsonaristes, le magistrat était président du Tribunal supérieur électoral quand l’ancien chef de l’État avait été condamné l’an dernier à huit ans d’inéligibilité pour ses attaques sans preuve contre le système d’urnes électroniques. De manière générale, Alexandre de Moraes conduit la plupart des enquêtes portées à l’encontre de Jair Bolsonaro. La mesure a en revanche été applaudie par la gauche brésilienne de l’actuel président Luiz Inacio Lula da Silva. «Notre souveraineté n’est pas à vendre», a-t-il tonné, affirmant que la démocratie ne représentait pas «le droit de mentir ou de répandre la haine».

Qu’en dit la population brésilienne ?

La suspension de la plateforme au Brésil, où elle comptait 22 millions d’usagers, soit 10 % de la population totale, a aussi divisé l’opinion publique par rapport à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux. Selon un sondage de l’institut AtlasIntel, une majorité (56,5 %) voit une «motivation politique» dans la décision du juge et estime qu’elle a «affaibli la démocratie» (54,4 %). De l’autre côté, presque la moitié (49,7 %) donne raison à Alexandre de Moraes contre Elon Musk. Peu importent les avis de chacun, la justice brésilienne a ordonné ce jeudi 19 septembre à X de bloquer à nouveau les accès à sa plateforme dans le pays, sous peine d’une amende quotidienne d’environ 820 000 euros. La suite, au prochain épisode.