En chute libre. L’aéronef s’écrase, en vrille, à plat. Un long panache de fumée noire s’élève dans le ciel. Une enquête a été ouverte au Brésil, ce samedi 10 août, pour tenter de comprendre les raisons de ce crash spectaculaire – dont des vidéos circulent sur les réseaux – ayant fait 62 morts, près de São Paulo, dans le sud-est du pays. Libération a rassemblé les éléments autour de ce tragique accident.
Que s’est-il passé ?
Un avion du constructeur franco-italien ATR reliait ce vendredi la commune de Cascavel, dans l’Etat du Parana, à l’aéroport international de Guarulhos, à São Paulo. Après une chute brutale, il s’est écrasé à 13 h 25 (17 h 25, heure de Paris) à Vinhedo, localité de 76 000 habitants située à quelque 80 kilomètres au nord-ouest de São Paulo, semant l’effroi parmi les habitants.
Selon l’Armée de l’air brésilienne, le vol «s’est déroulé de façon normale jusqu’à 13 h 20». Mais une minute après, «l’appareil n’a pas répondu aux appels» de la tour de contrôle, et «il n’a pas non plus déclaré se trouver dans une situation d’urgence ni affronter des conditions météorologiques adverses». «La perte de contact avec le radar a eu lieu à 13 h 22», a ajouté l’armée.
🔴 Crash Brésil
— air plus news (@airplusnews) August 9, 2024
▫️Il s’agit d’un ATR72-500, immatriculé PS-VPB.
▫️L’avion effectuait un vol entre Cascavel & Sao Paulo sous le numéro de vol 2Z 2283. pic.twitter.com/IZ7yXtu8VU
Nathalie Cicari, qui réside près du lieu où l’avion s’est écrasé, a témoigné sur la chaîne CNN Brasil que le choc avait été «terrifiant». «J’étais en train de déjeuner, j’ai entendu un bruit très fort et très proche de moi, j’ai pensé que c’était un drone», mais en «beaucoup plus fort», a-t-elle raconté. «Je suis sortie sur le balcon et j’ai vu l’avion qui tournoyait. Je me suis rendu compte que ce n’était pas un mouvement normal pour un avion», a-t-elle poursuivi, disant avoir pensé «comme dans les films, à prier». Nathalie Cicari n’a pas subi de blessures mais a dû abandonner sa maison envahie par la «fumée noire» de l’accident.
«J’ai vu un avion tomber, hors de contrôle, presque au-dessus de ma maison», a relaté Ricardo Rodrigues, un habitant, sur la chaîne locale Band News. «Je suis arrivé sur les lieux et j’ai vu beaucoup de corps par terre, beaucoup». «Les corps sont en train d’être transférés à la morgue», a indiqué la mairie de Vinhedo.
Pourquoi l’avion s’est-il écrasé ?
Impossible de déterminer les causes de l’accident avec certitude. Les experts analysent à Brasilia les deux boîtes noires récupérées dans l’appareil, contenant les conversations dans la cabine et les données du vol, a détaillé le général Marcelo Moreno, chef du Centre d’investigation et de prévention des accidents aéronautiques (Cenipa).
Le pilote et le copilote étaient expérimentés, avec plus de 5 000 heures de vol au cours de leur carrière. Quant à l’appareil, il respectait toutes les normes en vigueur selon l’Agence nationale de l’aviation civile, et avait fait l’objet d’opérations de «maintenance de routine la nuit précédente». L’aéronef avait quitté le siège de sa compagnie aérienne, Voepass, «sans aucun problème technique», a assuré le directeur des opérations de l’entreprise brésilienne, Marcel Moura. Le premier vol de cet avion de modèle ATR 72-500, fabriqué en France, remonte à avril 2010, selon le site spécialisé planespotters.net.
D’après les informations du quotidien national brésilien O Globo, Marcel Moura a évoqué lors de sa conférence de presse l’hypothèse d’une formation de gel sur l’appareil, même si le PDG de Voepass, Eduardo Busch, a assuré qu’«au moment du décollage, le système d’antigivrage était pleinement fonctionnel». Ce dernier indique ne pas exclure la possibilité d’une «panne du système aérien».
Un militaire du Centre d’investigation et de prévention des accidents aéronautiques (Cenipa) rattaché à l’armée de l’air, cité par O Globo, veut croire en l’hypothèse de la formation de gel en altitude sur les ailes de l’avion. Un tel phénomène modifie la forme aérodynamique des ailes et réduit leur portance : le poids de l’avion augmente excessivement, provoquant sa chute. Une autre source du quotidien national, experte en accident aéronautique, estime qu’il y a 95 % de chances pour que ce soit la raison du crash de cet avion.
Qui sont les victimes du crash ?
L’aéronef transportait «58 passagers et quatre membres d’équipage», selon la compagnie aérienne Voepass, qui a de nouveau porté à 62 le bilan des victimes samedi, toutes de nationalité brésilienne à l’exception d’une famille vénézuélienne. Après avoir mené des opérations de secours, les autorités locales ont indiqué qu’«il n’y avait pas eu de survivant». La récupération des restes des victimes en vue de leur «identification» a commencé et «va se poursuivre tout au long de la nuit», avait annoncé vendredi devant la presse le gouverneur de l’Etat de São Paulo, Tarcisio de Freitas.
Samedi dans la journée, la compagnie aérienne Veopass a publié la liste des noms et prénoms des personnes ayant réservé une place à bord de l’appareil. Les victimes avaient des documents d’identité émis au Brésil. Il y avait en outre une femme avec la double nationalité brésilienne et portugaise, ainsi qu’une famille de trois Vénézuéliens. Les corps des 62 victimes (34 masculins, 28 féminins) ont été transférés dans la morgue principale de São Paulo, la capitale économique du Brésil. Aucune victime n’a cependant été recensée dans le quartier résidentiel où s’est écrasé l’avion.
Où en sont les autorités sur place ?
Des patrouilles de police, des ambulances, des camions de pompiers entrent et sortent de la zone résidentielle arborée, nommée Residencial Recanto Florido, où l’avion s’est écrasé. «Sept équipes» de la compagnie locale de pompiers ont été engagées sur les lieux du crash où l’incendie provoqué par l’accident a été maîtrisé. Quelque 200 personnes travaillent ce samedi sur le terrain pour récupérer les corps.
Selon les pompiers, 24 ont déjà été extraits des débris de l’avion. Les restes des victimes déjà récupérées étaient «carbonisés» et à ce stade «deux corps ont été identifiés : le pilote et le copilote», a déclaré à la presse le maire, Dario Pacheco. «Notre estimation est que d’ici à la fin de la journée tous les corps auront été retirés» des décombres, a indiqué Carlos Palhares, directeur de l’institut de criminologie de la Police fédérale. Mais la pluie qui tombe sans discontinuer depuis vendredi soir complique les opérations, qui pourraient durer «plusieurs jours», a indiqué le capitaine Maycon Cristo, porte-parole des pompiers sur place.
Y a-t-il des précédents ?
D’après des données de la Cenipa, sans compter celui de vendredi, depuis le début de l’année le Brésil a enregistré 108 accidents d’avions qui ont fait 49 morts. Ces dix dernières années, 746 personnes ont péri dans 1 665 accidents dans ce pays aux dimensions gigantesques. En 2007, un Airbus A320 de la compagnie brésilienne TAM avait raté son atterrissage sur l’aéroport de Congonhas de São Paulo et s’était écrasé contre un bâtiment de fret, tuant les 187 personnes à bord et 12 personnes au sol. Deux ans plus tard, un Airbus A330-230 d’Air France, assurant la liaison entre Rio de Janeiro et Paris, a disparu au-dessus de l’Atlantique dans une zone de turbulences avec 228 personnes à bord.
Dans une publication sur le réseau social X, le président brésilien a déclaré que ce crash est une «très triste nouvelle». Il a exprimé «toute [sa] solidarité avec les familles et amis des victimes», avant d’appeler à une minute de silence.
Mis à jour : le 11 août à 14 h 30, avec davantage d’informations sur les victimes.