Sur la colline du Parlement à Ottawa, la capitale canadienne, un homme brandit, en tête de cortège, une pancarte «Notre monde est contrôlé par les pédos». En face, des contre-manifestants, aussi nombreux, répliquent que «les droits des trans sont des droits humains». Au milieu, un cordon de policiers maintient les deux groupes à distance – et en sécurité. Nous sommes le 20 septembre, et un peu partout au Canada, ces scènes d’affrontement verbal se répètent. A l’origine du rassemblement : une étrange coalition de parents chrétiens ultraconservateurs, de militants d’extrême droite et de groupes musulmans, qui s’est formée autour d’une cible commune : les écoles. Accusés d’«endoctriner» les élèves et de les pousser à devenir homosexuels ou à changer de genre, les établissements scolaires seraient, à leurs yeux, des lieux privilégiés de «pédopiégeage» (grooming en anglais), qui désigne la stratégie de manipulation mise en place par un adulte pour sympathiser avec un enfant afin d’abuser sexuellement de lui.
Dans un pays réputé depuis des décennies pour son ouverture et sa tolérance, une telle confrontation sociétale a de quoi surprendre. Chaque été au Canada, le «Mois des fiertés» donne lieu à d’imposants cortèges et de très nombreux événements, quitte à tomber parfois dans une récupération marketing un brin tapageuse. Terre d’accueil «d’un océan à l’autre», comme le vante sa devise latine, le plus vaste pays des Amériques met un point d’honneur