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Libération
Chasse aux sorcières

«C’est à notre tour de nous unir» : contre Trump, Jane Fonda ressuscite la lutte de son père pour la liberté d’expression

La comédienne de 87 ans et des centaines de célébrités hollywoodiennes ont relancé mercredi 1er octobre le «Comité pour le Premier Amendement» fondé par Henry Fonda en 1947, estimant que l’administration américaine la menaçait à nouveau.

Jane Fonda, à Paris, le 29 septembre 2025. (Julien de Rosa/AFP)
Publié le 02/10/2025 à 10h09, mis à jour le 02/10/2025 à 10h09

Une résurrection nécessaire. L’actrice américaine Jane Fonda a relancé, mercredi 1er octobre, le «Comité pour le Premier Amendement» (CFA), un mouvement de protestation pour la liberté d’expression fondé par son père, Henry Fonda, pendant la Guerre froide. A ses côtés, des centaines de célébrités hollywoodiennes, lucides face aux attaques de l’administration de Donald Trump pour réduire au silence toute critique – une censure gouvernementale menaçant de fait le Premier Amendement de la Constitution américaine, garant de la liberté d’expression.

Natalie Portman, Spike Lee et Billie Eilish

«Ce comité avait initialement été créé pendant l’ère McCarthy, une période sombre durant laquelle le gouvernement fédéral avait réprimé et persécuté les citoyens américains pour leurs convictions politiques», explique Jane Fonda dans un communiqué publié mercredi. «Ces forces sont de retour, ajoute-t-elle. Et c’est à notre tour de nous unir pour défendre nos droits constitutionnels.» Les actrices Natalie Portman et Anne Hathaway, l’acteur Sean Penn et le réalisateur Spike Lee, la chanteuse Billie Eilish et le chanteur John Legend figurent parmi les plus de 550 signataires soutenant cette initiative.

Le comité initial a été cofondé par Henry Fonda en 1947, au tout début de la Guerre froide, en réponse aux mesures draconiennes du gouvernement américain ciblant quiconque était soupçonné de se livrer à des «activités anti-américaines», notamment à Hollywood. Elles avaient ensuite culminé avec la «chasse aux sorcières» lancée par le sénateur républicain du Wisconsin Joseph McCarthy à l’encontre des communistes et de leurs supposés sympathisants. Le comité originel, qui comprenait entre autres Judy Garland, Humphrey Bogart et Frank Sinatra, avait dénoncé la répression et le harcèlement auxquels se livrait le gouvernement.

Les personnalités membres du CFA avaient alors été accusées d’être des sympathisants communistes, provoquant la chute de nombreuses carrières. Le groupe, en grande partie composé de démocrates libéraux non communistes, fut ébranlé par les révélations sur le comédien Sterling Hayden, qui avait bien été membre du Parti communiste. Beaucoup d’artistes hollywoodiens, dont le célèbre Humphrey Bogart, ont alors rétropédalé et se sont désolidarisés du comité, provoquant sa disparition.

Ne pas céder à nouveau

Le nouveau comité de Jane Fonda «n’est pas un tir de sommation. C’est le début d’une lutte soutenue», fait valoir le site dédié au mouvement. Cette reformation intervient alors que la liberté d’expression est redevenue un cri de ralliement à Hollywood, après la brève suspension par la chaîne ABC (propriété de Disney), de l’animateur Jimmy Kimmel, sous la pression de l’administration Trump.

L’humoriste, dont l’émission avait été suspendue après ses remarques concernant l’assassinat de l’influenceur pro-Trump Charlie Kirk, a fait son retour à la télévision la semaine passée. «Un gouvernement qui menace de faire taire un comédien que le Président n’aime pas est anti-américain», a-t-il déclaré à cette occasion lors de son talk-show.

Le comité reconstitué promet de «rester ensemble, férocement uni, pour défendre la liberté d’expression» et met en garde les compagnies hollywoodiennes contre la tentation de céder à la pression du gouvernement à l’avenir. «A ceux qui profitent de notre travail tout en menaçant le gagne-pain des travailleurs ordinaires, en se soumettant à la censure gouvernementale et en fléchissant face à l’intimidation brute : on vous voit et l’histoire ne vous oubliera pas, prévient-il. Ce ne sera pas la dernière fois que vous entendrez parler de nous.»

Dans une lettre encourageant ses pairs à se joindre à l’initiative, Jane Fonda a rappelé sa longue histoire de militante des droits civiques. «J’ai 87 ans. J’ai vu la guerre, la répression, les manifestations et les réactions négatives. J’ai été célébrée et qualifiée d’ennemie de l’Etat. Mais je peux vous dire une chose : c’est le moment le plus effrayant de ma vie, a-t-elle ajouté. Quand j’ai peur, je me tourne vers l’histoire. J’aimerais qu’il existe un livre secret contenant toutes les réponses, mais il n’y en a jamais eu. La seule chose qui ait jamais fonctionné, à maintes reprises, c’est la solidarité : se serrer les coudes, trouver le courage dans un nombre trop grand pour être ignorés, et se soutenir les uns les autres.»