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Compilation

Cinq articles pour comprendre Javier Milei, président d’extrême droite en Argentine

Le libertarien Javier Milei a été élu dimanche 19 novembre face au candidat péroniste Sergio Massa, avec environ 55% des suffrages lors du second tour du scrutin.
A La Plata, le 12 septembre, Javier Milei brandit son objet fétiche, une tronçonneuse dont il compte se servir pour «tronçonner l'Etat». (Natacha Pisarenko/AP)
publié le 22 octobre 2023 à 13h19
(mis à jour le 23 octobre 2023 à 17h22)

Ereintés par le surendettement et l’inflation, les Argentins ont voté dimanche 19 novembre entre la tentation d’un candidat «antisystème» et la certitude de lendemains difficiles. C’est l’économiste «anarcho-capitaliste» – comme il se définit – Javier Milei, 53 ans, qui confirme sa percée depuis son irruption sur la scène politique il y a deux ans, et remporte la présentielle avec 55,7% des voix, devant Sergio Massa, 51 ans, candidat du bloc gouvernemental.

Javier Milei, un loup dans la démocratie argentine

Sous ses airs de Brian Johnson, cet économiste aussi bien ultralibéral que d’extrême droite a surfé sur la situation économique désastreuse du pays pour se frayer un chemin en tête des primaires du mois d’août puis des sondages menant au premier tour, ce dimanche. Si son look le distingue de Trump et Bolsonaro, ce sont ses accents ultralibéraux et profondément réactionnaires qui rapprochent cet universitaire de ses cousins brésilien et américain. «Anarco-capitaliste», anti-avortement, pro-armes, climatosceptique, anti-Etat… ce nouveau-né à la politique (il écume les plateaux depuis 2014 et a été élu député en 2021) a réuni autour de lui en dépit de sa grossièreté et de sa nostalgie de la dictature les déçus de la politique argentine des dernières années. Présentation.

Le rocker nauséabond qui veut gouverner le pays

Fan de heavy metal, le candidat qui espérait être élu «dès le premier tour, putain de sa mère» s’est approprié Panic Show, une chanson de La Renga, un groupe argentin très populaire, au mépris de l’opposition de ses auteurs. Un sujet loin d’être mineur dans un pays viscéralement attaché au «rock nacional». Face aux critiques de La Renga, Milei a répliqué en les accusant de vivre de subsides publics et de s’être produits dans des meetings du parti péroniste, au pouvoir actuellement. Dans son programme, il promet d’éliminer toute forme de subvention à la culture, en droite ligne de son programme. A lire en entier ici.

Dans les bidonvilles de Buenos Aires, la popularité de celui qui veut «décapiter l’Etat à la tronçonneuse»

Milei a su séduire les pauvres et les jeunes, mus par un même ras-le-bol de la classe politique et de la crise économique, et la tentation de l’individualisme et d’une certaine brutalité politique. Dans les quartiers les plus pauvres de la ville, le quinquagénaire libertarien séduit par sa critique d’un Etat qui n’a pas su subvenir aux besoins d’une population touchée de plein fouet par une inflation à 140 %. L’individualisation à l’outrance et la politique de répression proposées par Milei attirent des quartiers touchés par la violence et qui ont dû se tourner vers l’économie informelle pour subsister. «On prend de la main gauche et on vote avec la droite.»

Du peso faisons table rase

C’est la mesure phare de Milei. Débarrasser l’Argentine de cet «excrément», son expression favorite pour parler du peso, pour en dollariser l’économie. A 12,4 % d’inflation en septembre, le plus gros billet, 2 000 pesos, ne vaut que 2 euros. Une dégringolade qui ouvre la porte au plus clinquant dollar, que les Argentins sont autorisés à épargner à raison de 15 billets par mois. Si l’économiste reste flou sur la mise en œuvre du remède, aux faux airs de miracle, 170 économistes ont déjà sonné l’alerte : «Cela pourrait stopper l’inflation, oui. Mais sans réserves en dollars, on va droit vers une destruction du capital des entreprises, une chute vertigineuse des salaires et de l’activité économique en général. C’est proposer d’amputer la jambe pour un problème d’ongle incarné.»

L’avortement menacé

A l’instar de la bascule opérée aux Etats-Unis avec l’abolition de l’arrêt Roe v. Wade, l’Argentine va-t-elle perdre avec Javier Milei le droit à l’avortement, récemment conquis de haute lutte ? Si les marées vertes pro-IVG ont surpris par leur ampleur et leur intensité, les opposants au droit des femmes à disposer de leur corps sont aussi légion. La conquête de l’IVG n’a ainsi pas eu le temps d’infuser dans les esprits et les partisans de l’ultra-conservateur Milei sont légion. Si ce dernier accède au pouvoir, il ne pourra pas abroger la loi de 2020 comme il l’avait un temps envisagé. Mais c’est bien un référendum sur la question qui sera proposé.

Mise à jour le 23 octobre à 17h20 : au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, plaçant Javier Milei deuxième derrière Sergio Massa.