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Colombie : la justice annule la condamnation de l’ex-président Uribe pour subornation de témoins

La justice colombienne a annulé mardi 21 octobre la condamnation de l’ancien chef de l’Etat pour avoir exercé des pressions sur des témoins afin de cacher ses liens présumés avec des paramilitaires. L’actuel président dénonce cette décision.

L'ancien président colombien Alvaro Uribe à l'issue de son procès à Bogota, le 10 février 2025. (Raul Arboleda /AFP)
Publié le 21/10/2025 à 22h25

Il est devenu, en août, le premier ancien président de Colombie condamné pénalement et privé de liberté. Mais Alvaro Uribe, dont la peine s’élevait à 12 ans d’assignation à résidence pour subornation de témoins et fraude procédurale, vient de voir son jugement annulé. La décision a été prononcée par le juge du tribunal de Bogotá ce mardi 21 octobre, faute de preuve. L’ancien président de 73 ans s’était défendu libre en appel, après avoir passé une vingtaine de jours en détention à domicile.

Le juge a déclaré illégaux les enregistrements présentés comme preuves et a signalé des failles dans la «méthodologie» de la juge qui avait statué en première instance. Le sénateur de gauche Ivan Cepeda, auteur de la plainte contre Uribe, a annoncé qu’il déposerait un recours en cassation devant la Cour suprême de justice.

Alvaro Uribe, président entre 2002 et 2010, était accusé d’avoir cherché à soudoyer des témoins afin d’éviter d’être associé aux milices d’extrême droite ayant livré une guerre sanglante aux guérillas en Colombie. Ce qu’il a toujours nié, en criant au complot et à la persécution politique de la gauche.

«C’est ainsi qu’on dissimule l’histoire de la gouvernance paramilitaire en Colombie, c’est-à-dire l’histoire des politiciens qui sont arrivés au pouvoir alliés aux narcotrafiquants et qui ont déclenché le génocide en Colombie», a lancé sur X Gustavo Petro, président depuis 2022 (le premier de gauche de l’histoire du pays) et ennemi politique d’Uribe.

Affaire commencée en 2018

L’ancien chef de l’Etat demeure une figure clef de la scène politique de son pays. Il exerce une grande influence sur la droite, qui s’est retrouvée dans l’opposition depuis 2022. La décision de ce mardi lui donne d’ailleurs un nouvel élan en vue de la présidentielle de 2026. A tel point que l’une des candidates proches du septuagénaire n’a pas exclu qu’il se présente au Sénat ou à la vice-présidence.

L’affaire, très médiatique, a commencé en 2018. Année de l’ouverture d’une enquête par la Cour suprême sur les liens présumés d’Alvaro Uribe avec les paramilitaires, face aux accusations du candidat à la présidence Ivan Cepeda. L’ancien paramilitaire Juan Guillermo Monsalve était devenu un témoin clé : il affirmait que l’avocat de l’ancien chef de l’Etat, Diego Cadena, avait tenté de le soudoyer. Dans ce dossier, le juriste a été condamné à sept ans de prison à domicile.

Le nom de l’ancien chef de l’Etat apparaît dans au moins trois autres enquêtes : sur la création et le financement d’un groupe paramilitaire ; dans plusieurs tueries ; dans le meurtre d’un défenseur des droits de l’Homme. Toutes sont entre les mains du parquet colombien.

Le président appelle à des marches de protestation

Le climat du pays, qui connaît sa pire crise sécuritaire de la dernière décennie, risque de s’envenimer un peu plus. Gustavo Petro a rejeté la décision du tribunal alors que ses détracteurs dénoncent une ingérence. Il en a profité pour tacler le président américain Donald Trump, avec qui il entretient des relations de plus en plus tendues. «Maintenant Trump, allié avec ces politiciens et avec Uribe, cherchera la sanction contre le président qui a dénoncé dans sa vie les alliances entre le pouvoir politique colombien et le narcotrafic paramilitaire en Colombie», a-t-il affirmé. Avant d’appeler à des marches pour vendredi.

Lorsque la condamnation en première instance de Alvaro Uribe avait été rendue, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio avait dénoncé une «instrumentalisation du pouvoir judiciaire colombien par des juges radicaux».

Alvaro Uribe reste très populaire pour sa chasse féroce contre la guérilla pendant ses deux mandats consécutifs. Mais les autorités ont enregistré à cette époque de graves violations des droits humains, comme l’assassinat par l’armée de milliers de civils, présentés à tort comme des guérilleros morts au combat.