L’ancien président colombien Alvaro Uribe connaîtra son sort lundi dans une affaire de subornation de témoins qui a fait de lui le tout premier ex-chef d’État du pays sud-américain à être jugé. Cet homme de 73 ans, qui a été président de 2002 à 2010, est accusé de «corruption de témoins» dans une enquête distincte le concernant, et risque une peine de 12 ans de prison dans cette affaire hautement politisée.
Elle remonte à 2012, quand Uribe accuse devant la Cour suprême le sénateur de gauche Ivan Cepeda d’avoir monté un complot pour le lier faussement à des groupes paramilitaires de droite impliqués dans le long conflit armé colombien. Mais cela se retourne contre lui : la Cour suprême s’abstient de poursuivre Ivan Cepeda et la justice commence au contraire à enquêter sur Alvaro Uribe. La justice le soupçonne d’avoir lui-même tenté de manipuler des témoins - d’ex-combattants de groupes armés emprisonnés - pour discréditer son adversaire. En 2020, la justice ordonne finalement son arrestation.
Ces groupes paramilitaires, qui sont apparus dans les années 1980 en Colombie pour combattre les guérillas marxistes, avaient pris les armes contre l’État deux décennies plus tôt. L’objectif déclaré était de lutter contre la pauvreté et la marginalisation politique, notamment dans les zones rurales. La multitude de groupes armés du pays a adopté la vente de cocaïne comme principale source de revenus.
Jungle
Après qu’Ivan Cepeda l’a accusé d’avoir eu des liens avec des groupes paramilitaires responsables de violations des droits de l’homme, Alvaro Uribe aurait contacté d’anciens combattants emprisonnés pour qu’ils mentent en sa faveur. Mais celui-ci affirme qu’il voulait seulement les convaincre de dire la vérité. Plus de 90 témoins ont témoigné lors de son procès, qui s’est ouvert en mai 2024.
L’enquête contre Uribe a commencé en 2018 et a connu de nombreux rebondissements, plusieurs procureurs généraux ayant cherché à classer l’affaire. Elle a pris un nouvel élan sous la procureure générale Luz Camargo, choisie par Gustavo Petro, lui-même ancien guérillero et ennemi politique juré d’Uribe. Les procureurs affirment détenir des preuves d’au moins un ancien combattant paramilitaire qui prétend avoir été contacté par Uribe pour changer sa version.
Election présidentielle en 2026
La veille du verdict, dimanche 27 juillet, Alvaro Uribe a prononcé un discours d’une heure dans sa ville natale de Medellín, dans lequel il a critiqué l’administration de gauche de Gustavo Petro. «Nous avons besoin d’une victoire énorme l’année prochaine», a lancé l’ex-chef d’Etat, en référence aux élections présidentielles qui se tiendront en 2026.
Uribe était un homme politique de droite, comme tous les présidents colombiens avant l’actuel dirigeant Gustavo Petro, qui a évincé le parti Centro Democratico d’Uribe lors des élections de 2022. Durant son mandat, il a mené une campagne militaire acharnée contre les cartels de drogue et l’armée guérillera des FARC qui a signé un accord de paix avec son successeur Juan Manuel Santos en 2016.
Interview
En 2019, des milliers de personnes ont manifesté à Bogota et Medellín quand Alvaro Uribe - qui reste une voix importante de la droite - a été inculpé dans cette affaire. Alvaro Uribe maintient que son procès est le produit d’une «vengeance politique».
L’ancien président fait également l’objet d’enquêtes dans d’autres affaires. Il a témoigné devant les procureurs dans une enquête préliminaire sur un massacre paramilitaire de petits agriculteurs en 1997, quand il était gouverneur du département occidental d’Antioquia.
Une plainte a également été déposée contre lui en Argentine, où la juridiction universelle permet de poursuivre des crimes commis n’importe où dans le monde. Cette plainte découle de l’implication présumée d’Uribe dans plus de 6 000 exécutions et disparitions forcées de civils par l’armée quand il était président.