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Les leaders politiques américains se targuent souvent de diriger la plus vieille, et la plus grande, démocratie du monde. Le mode de désignation des présidents des Etats-Unis a, pourtant, plusieurs fois produit un résultat opposé à celui voulu par la majorité du peuple. Ainsi, la candidate démocrate Hillary Clinton qui, en 2016, avait obtenu 2,8 millions de voix de plus que son adversaire républicain Donald Trump. Mais doté de 304 grands électeurs, contre 227 pour Clinton, c’est finalement le milliardaire républicain qui avait pris ses quartiers à la Maison Blanche. Un tel scénario, où un président est élu avec moins de voix que son rival, s’est produit à cinq reprises dans l’histoire américaine – trois fois au XIXe siècle, deux fois depuis 2000.
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Suffrage universel indirect à un tour
Ce processus électoral complexe, et parfois injuste, basé sur un suffrage universel indirect à un tour, trouve ses racines dans le fédéralisme constitutif de la nation américaine. Les présidents ne sont pas élus directement par le peuple américain, mais par les Etats, via un collège de 538 grands électeurs chargés de le représenter. Pour être élu président des Etats-Unis, le candidat doit sécuriser la majorité absolue des votes du collège électoral : 270, soit la moitié des grands électeurs, plus un. Décidé par la Constitution de 1787 qui fixe les règles de l’élection présidentielle, le collège électoral était vu comme un «filtre» par les Pères fondateurs de la nation américaine pour empêcher l’accession d’un «despote» à la tête du pays.
Pour la plupart inconnus du grand public – leurs noms n’apparaissent pas sur les bulletins –, les grands électeurs sont eux-mêmes des élus ou responsables politiques locaux choisis par les partis. Leur mode de désignation varie d’un Etat à l’autre : ils sont sélectionnés soit lors des conventions des partis d’Etat, soit par les comités centraux des partis. Chaque candidat à la présidence reçoit sa propre liste de noms.
Le collège électoral
Chaque Etat dispose d’autant de grands électeurs que d’élus au Congrès. Soit deux pour le Sénat, additionnés au nombre d’élus de l’Etat à la Chambre des représentants, établi proportionnellement à la population mesurée tous les dix ans par un grand recensement national. Chaque Etat est donc doté d’au moins trois grands électeurs, comme le Wyoming ou l’Alaska pour les moins peuplés, jusqu’à 40 pour le Texas et 54 pour la Californie.
L’attribution de ces 538 grands électeurs évolue avec les changements démographiques : après le recensement de 2020, le Texas a gagné deux voix par rapport à la précédente présidentielle ; le Colorado, la Floride, le Montana, la Caroline du Nord et l’Oregon ont chacun gagné une voix. Quant à la Californie, l’Illinois, le Michigan, New York, l’Ohio, la Pennsylvanie et la Virginie-Occidentale, ils en ont perdu un chacun, déclin démographique oblige.
Malgré ces évolutions, les grands électeurs ne «valent» pas le même nombre de citoyens, le poids des petits Etats étant, comme au Sénat, biaisé par les deux grands électeurs d’office. Un grand électeur du Wyoming représente ainsi près de 188 000 habitants, quand son homologue de Californie vote pour plus de 722 000 personnes.
«Winner-takes-all»
Le Maine et le Nebraska exceptés, qui désignent leurs grands électeurs proportionnellement aux résultats du scrutin, tous les Etats américains utilisent la méthode du «winner-takes-all» («le vainqueur emporte tout»), qui attribue en bloc l’intégralité de leurs grands électeurs au candidat y ayant reçu la majorité des suffrages. Ce système gomme ainsi toute nuance ou proportion, et augmente le poids d’un candidat même s’il n’emporte l’Etat qu’avec une marge infime. En 2016, avec seulement 1,2 point d’écart sur Clinton, Trump avait raflé les 29 grands électeurs de Floride, le rapprochant des 270 nécessaires pour remporter la présidence. En 2020, les 16 grands électeurs de Géorgie étaient tombés dans l’escarcelle du démocrate Joe Biden, avec seulement 0,23 point d’écart sur Donald Trump dans cet Etat du Sud.
Le scrutin a lieu le 5 novembre, mais commence dès le mois de septembre pour le vote anticipé, par correspondance ou dans des lieux dédiés, selon les Etats. Les grands électeurs, affiliés à Donald Trump ou sa rivale démocrate cette année, la vice-présidente Kamala Harris, se rassemblent ensuite le 17 décembre dans leurs Etats respectifs pour voter. Le résultat sera ensuite certifié par le Congrès le 6 janvier 2025, et le ou la futur.e président.e des Etats-Unis prêtera serment le 20 janvier dans la capitale fédérale américaine, Washington D.C., avant de s’installer à la Maison Blanche pour un mandat de quatre ans.