La Havane ne bruisse pas des sons typiques d’une capitale latino-américaine. Pas d’embouteillages aux klaxons stridents. Pas de slogans publicitaires, ni de cris de vendeurs ambulants. Dans le vieux centre, ce sont désormais des gens désœuvrés assis dans des rues presque vides, échangeant quelques nouvelles d’un air morose ou le nez plongé dans leur smartphone. Des chauffeurs de vélotaxis somnolant dans leur carriole, assommés par l’ennui d’une journée sans touristes. Si presque tous les documentaires sur La Havane commencent au son de la salsa, il faut aussi en faire son deuil : la musique ne résonne plus guère. Seuls quelques hauts lieux culturels tiennent encore le choc.
Devant le Teatro América, une affiche écrite au feutre – les imprimeries ont presque disparu – : «Ce soir, un concert en hommage au compositeur Benny Moré.» Une soixantaine de personnes font la queue, celles qui peuvent encore se permettre de consacrer une partie de leur budget aux loisirs : l’entrée coûte 70 pesos, environ 30 centimes d’euro. Pas si dérisoire, dans un pays où le salaire moyen est d’environ 30 euros par mois. A l’intérieur de la salle, une chaleur étouffante enveloppe les spectateurs : la ventilation ne marche plus. On lutte contre la moiteur et les moustiques à l’aide d’éventails. Et on se dit aussi que les plus à plaindre sont les musiciens qui dégoulinent de sueur sous les spots. Le Son Cubano résonne, gai et potache, fait pour flirter sous le soleil. Les cuivres et