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Libération

Conflit israélo-palestinien: coup de semonce dans le vide ou signal d’un cessez-le-feu imminent ?

Conflit israélo-palestiniendossier
Alors que les tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza et les bombardements aériens d’Israël ont semblé baisser en intensité mercredi, les tractations en coulisses pour obtenir un cessez-le-feu semblent s’accélerer. Pour la première fois, Joe Biden a réclamé fermement une « désescalade immédiate » à Benyamin Nétanyahou.
Joe Biden, mercredi. «Le président a indiqué au Premier ministre [israélien] qu’il s’attendait à une désescalade significative aujourd’hui vers un cessez-le-feu», a fait savoir la Maison Blanche. (Andrew Harnik/AP)
publié le 19 mai 2021 à 19h19

Est-ce une amorce d’apaisement ou un coup de semonce dans le vide ? Pour la première fois depuis le début des nouvelles violences liées au conflit israélo-palestinien, le 10 mai, le président américain Joe Biden, jusqu’ici plutôt discret pour ne pas dire absent, a changé de ton vis-à-vis de son traditionnel allié israélien.

«Le président a indiqué au Premier ministre qu’il s’attendait à une désescalade significative aujourd’hui vers un cessez-le-feu», a souligné la Maison Blanche mercredi dans un bref compte rendu du dernier échange téléphonique entre les deux hommes. Le ton et les termes de Joe Biden à l’adresse de Benyamin Nétanyahou sont ceux de l’exigence. S’agit-il d’une réaction d’irritation devant le peu d’empressement israélien à répondre aux efforts diplomatiques déployés par la région et les États-Unis pour obtenir un cessez-le-feu ?

Soufflant le chaud et le froid ces deux derniers jours, et après avoir indiqué la veille que l’essentiel des objectifs de l’opération contre le Hamas allait être atteint, le Premier ministre israélien n’a fait aucune mention mercredi, devant des ambassadeurs étrangers en Israël, d’un quelconque prochain arrêt des combats. «Nous n’avons pas de chronomètre. Nous voulons atteindre les objectifs de l’opération. Les opérations précédentes ont duré longtemps, il n’est donc pas possible de fixer de calendrier», a-t-il expliqué lors d’une séance de questions-réponses à huis clos, selon des propos rapportés par les médias locaux. Dans le même temps, les sources militaires israéliennes ont assuré qu’il n’était pas question d’un cessez-le-feu.

Du côté du Likoud, le parti de Nétanyahou, on semblait sceptique quant à la perspective d’un cessez-le-feu imminent. «La population israélienne est à fond derrière l’intervention. Je ne vois pas Nétanyahou arrêter maintenant. Il n’a jamais été autant au centre du jeu politique. Biden, c’est un retour au monde d’avant, à l’ère Obama, à Jérusalem comme capitale partagée. C’est la fin des accords d’Abraham. Si Nétanyahou l’accepte, ça signe sa fin et la fin du Likoud. Biden aura réussi ce qu’Obama a raté», expliquait une source. Envisageant même l’extension vers un «conflit un peu plus général, si Biden continue dans sa démarche. Le Hezbollah a lancé des missiles aujourd’hui…, poursuivait la même source. Benyamin Nétanyahou tente tout pour arrêter Biden et empêcher le retour à l’ère Obama. Il ne donnera rien au président américain».

Pourtant, sur le terrain, un arrêt des hostilités entre Israël et le Hamas à Gaza semblait se profiler mercredi. Les signaux dans ce sens se sont multipliés de la part des diplomates de différents pays impliqués dans des discussions entre les belligérants. Certaines sources espéraient même parvenir à un cessez-le-feu dans les quarante-huit heures. Le journal télévisé israélien N12, citant des sources palestiniennes non identifiées, a rapporté que l’Égypte, via des «canaux secrets», avait proposé que les combats entre Israël et Gaza prennent fin dès jeudi matin. Une source de sécurité égyptienne a même affirmé que les deux parties auraient accepté le principe d’un cessez-le-feu avec l’aide de médiateurs. Les détails sont, selon elle, négociés en secret, malgré les dénégations publiques des deux camps, afin d’éviter tout échec du processus.

« Benyamin Nétanyahou tente tout pour arrêter Biden et empêcher le retour à l’ère Obama. Il ne donnera rien au président américain.»

—  Une source israélienne

Les hostilités, exacerbées par les affrontements entre la police israélienne et les fidèles de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem pendant le mois sacré du ramadan, sont les plus graves depuis plusieurs années. A la différence des conflits précédents à Gaza, elles ont contribué à alimenter la violence de rue entre Juifs et Arabes au sein même de l’État d’Israël.


La France a appelé à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la violence. Mais selon des diplomates, les États-Unis considèrent qu’une «déclaration publique maintenant» ne contribuerait pas à calmer la crise. «Notre objectif est de mettre un terme à ce conflit. Nous allons évaluer jour après jour quelle est la bonne approche. Nous continuons à penser que des discussions discrètes et intensives en coulisses constituent notre approche tactique pour le moment», a déclaré mercredi Jen Psaki, porte-parole de la Maison Blanche, opposant une catégorique fin de non-recevoir à l’initiative française. Les Etats-Unis «ne soutiendront pas des actions qui sapent les efforts en faveur d’une désescalade» dans le conflit israélo-palestinien, a renchéri la mission diplomatique américaine à l’ONU.

Selon des responsables médicaux palestiniens, les affrontements ont entraîné la mort de 219 personnes, dont 63 enfants, et fait plus de 1 500 blessées. Les frappes aériennes israéliennes ont également entraîné le déplacement de plus de 52 000 Palestiniens. De leur côté, les autorités israéliennes ont fait état de 12 morts en Israël, où les attaques répétées à la roquette sèment la panique et poussent les habitants à se réfugier dans des abris. Deux enfants font partie du bilan des victimes israéliennes.