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Volte-face

Costa Rica: les ambitions anti-écolo du nouveau président

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Dirigé depuis dimanche par le conservateur Rodrigo Chaves, le petit pays d’Amérique centrale va tourner le dos à plusieurs décennies de politiques de protection de l’environnement, souvent citées en exemple dans le monde.
Le nouveau président du Costa Rica Rodrigo Chaves, le 8 mai. (Mayela Lopez/Reuters)
publié le 10 mai 2022 à 15h15

En 2018, la signature de l’accord d’Escazú avait fait naître beaucoup d’espoirs parmi les défenseurs de la nature. Paraphé par vingt-quatre pays d‘Amérique latine et des Caraïbes, il entérinait le droit d’accès à l’information des citoyens sur les thèmes de l’environnement, leur participation aux prises de décisions, et ouvrait la voie à l’instauration d’une justice environnementale. Le texte prévoyait aussi des mécanismes de protection des activistes et des populations autochtones. De façon symbolique, ce traité contraignant a été signé dans une ville du Costa Rica, pays cité en modèle pour ses engagements écologistes. Un exemple : le plan climat lancé en 2019, qui prévoit la neutralité carbone et la fin de toute émission de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

«Comportements déplacés»

Douze pays ont déjà ratifié le traité par un vote de leurs parlementaires, dont le Mexique, l’Argentine et le Chili. Le Costa Rica ne les rejoindra pas : Rodrigo Chaves, le président élu le 3 avril et en fonction depuis dimanche, en a décidé autrement. Pour ce conservateur de 60 ans, ancien ministre de l’Economie qui a travaillé près de trente ans à la Banque mondiale, la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une priorité. Les bases de son programme : assainir les comptes, réduire le taux d’endettement (70 % du PIB) et faire revenir les touristes dont l’absence, en deux ans de pandémie, a fait grimper le chômage à 14 % de la population active.

La qualification de Rodrigo Chaves pour le second tour, le 6 février, avait constitué une surprise. Soutenu par une formation créée pour l’occasion, le Parti progrès social démocratique (PPSD), il était parti de 5 % des intentions de vote pour obtenir 16,8 % des voix le soir du premier tour. Loin des 27,3 % de son adversaire de centre gauche, José María Figueres. Pendant le long entre-deux-tours de deux mois, il a refait son retard et triomphé le 3 avril avec 52,8 % des suffrages.

Le passé d’agresseur sexuel de Chaves n’a pas pesé dans la décision des électrices et des électeurs. En 2008 puis en 2013, alors qu’il était en poste à la Banque mondiale à Washington, il avait fait l’objet de plaintes de collaboratrices pour «comportements déplacés». Des accusations confirmées par les enquêtes internes menées par l’organisme, qui ont débouché sur sa démission en 2019.

«Nouveau Singapour»

Dans son discours d’intronisation, il a affirmé : «Mon premier engagement sera contre la discrimination et le harcèlement que subissent toutes les femmes, dans tous les domaines.» Une petite manifestation de femmes se tenait au même moment devant le Parlement, où avait lieu la prestation de serment. Féroce adversaire de l’avortement, le nouveau président a en outre proclamé que «la crainte de Dieu est la base de la sagesse d’un gouvernant».

Rodrigo Chaves explique son refus de ratifier l’accord d’Escazú par sa volonté de «rassurer le secteur privé». Pour doper une croissance déjà forte et faire du pays un «nouveau Singapour», le Président pourrait revenir sur les décisions de ses prédécesseurs de renoncer à exploiter les richesses minières, le gaz et le pétrole. Cependant, il ne disposera pas de la majorité au Congrès, où son parti ne détient que 10 sièges sur 57. Il devra donc composer avec les autres forces politiques.