Pour leur future rentrée, les Salvadoriens n’achèteront pas un bel agenda coloré ou le dernier stylo à paillettes. Ils prendront la direction de leur salon de coiffure et demanderont une coupe bien courte. Ils cireront aussi leurs chaussures et ajusteront leurs uniformes. Sans oublier d’apprendre la prière nationale qu’ils devront réciter au drapeau. Depuis le 20 août, tous les élèves des écoles publiques du Salvador doivent respecter un nouveau règlement de fer dicté par la nouvelle ministre de l’Education, la capitaine Karla Trigueros.
Au Salvador, l’année scolaire débute autour du mois de janvier mais dès cette fin août, les établissements se sont mis en ordre de bataille. Plantés devant les portails des écoles, comme le rapporte le New York Times, les directeurs vérifient que tous les élèves respectent la mesure ordonnée par la ministre, par ailleurs militaire de carrière, dans le cadre du «renforcement de la discipline». Et gare aux récalcitrants. Si un manquement est observé, selon l’agence de presse Reuters, la directive de Trigueros donne aux directeurs le pouvoir de baisser les notes des élèves ou de leur imposer des travaux d’intérêt général. Pareil côté enseignant. La ministre a menacé de sanctions toute école - parmi les 5 100 écoles que compte le pays - qui trouverait le moyen de ne pas se conformer aux nouvelles restrictions.
La lutte contre les gangs dès l’école
Dans cette croisade capillaire, vestimentaire et comportementale, les filles ne sont pas en reste. Terminé le vernis à ongles, le maquillage et les teintures de cheveux, ainsi que les jupes au-dessus du genou. Côté vestimentaire, chaque élève garçon doit porter «l’uniforme complet, chemise avec son insigne, nom, section, pantalon propre, ceinture, chaussures cirées, chaussettes», comme le détaille Otoniel Delgado directeur adjoint de l’Institut National Technique Industriel (INTI) de San Salvador.
Cientos de niños hacen cola en las peluquerías ante una nueva norma de Bukele que obliga a acudir a la escuela con un corte de pelo "adecuado". La normativa también incluye saludar con educación antes de entrar a clase y llevar uniforme limpio https://t.co/rdtWoSr1qb pic.twitter.com/ORPhi7z3UI
— EL PAÍS (@el_pais) August 21, 2025
Cette mise au pas ne doit rien au hasard. Le pays est engagé dans une lourde guerre contre les gangs. Quelque 88 000 membres supposés de gangs, dont certains sont innocents selon les défenseurs des droits humains, attendent notamment d’être jugés dans une méga prison de haute sécurité dans le pays. Aux yeux des dirigeants, c’est au sein même des écoles que la lute contre ce fléau doit commencer - là où le recrutement s’initie.
Des mesures qui ravissent la capitaine Trigueros, régulièrement en treillis, qui s’est vu confier les rênes du système public après avoir été désignée nouvelle ministre de l’Education le 14 août par le président Nayib Bukele. Ce dernier, qui commet selon Amnesty International, des «violations généralisées et flagrantes des droits humains» sous prétexte de «sanctionner les gangs», a engagé depuis son premier mandat en 2019, une «guerre» contre les gangs, décrété l’état d’urgence qui permet des arrestations sans mandat et déployé l’armée dans les rues. Ce qui lui vaut, d’ailleurs, une ultrapopularité auprès de ses électeurs. «Pour construire le Salvador dont nous rêvons […] nous devons transformer entièrement notre système éducatif», a déclaré le président Bukele au sujet de ces nouvelles restrictions.
Fureur des syndicats
La décision fait réagir du côté de l’opposition. Le syndicat des travailleurs scolaires salvadorien a qualifié d’«absurde» la nomination de Trigueros, par ailleurs médecin, tout en dénonçant une «militarisation» de l’école, assure le New York Times. «Il est inquiétant que la nouvelle ministre soit un agent militaire, car nous pouvons désormais parler de la militarisation lamentable de l’éducation publique salvadorienne, comme cela s’est produit pendant les dictatures militaires», a déclaré le syndicat dans un communiqué, faisant référence aux cinq décennies de régime militaire au XXe siècle.
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Le quotidien américain a précisé que le syndicat des enseignants s’était dit préoccupé par l’augmentation remarquable des abus de pouvoir à l’encontre des élèves et par la répression imposée aux enseignants.