Face à une situation qui échappe à tout contrôle, le gouvernement d’Haïti a décrété l’Etat d’urgence dans l’ouest du pays, où se situe Port-au-Prince, «pour une période de 72 heures renouvelable», a-t-il annoncé dans un communiqué publié le 3 mars. Pour reprendre le contrôle de la capitale, l’exécutif a également «décrété un couvre-feu sur tout ce territoire» de 20 heures à 5 heures du matin (heure locale) dans la nuit de dimanche à lundi et entre 18 heures et 5 heures (heure locale) pour les trois prochains jours.
Cette décision fait directement suite à l’attaque des deux principales prisons de l’île par des gangs armés dans la nuit de samedi à dimanche, qui ont fait au moins une dizaine de morts et ont permis à plusieurs milliers de prisonniers de s’échapper.
Reportage
Plus largement, le couvre-feu a été décrété «en raison de la dégradation sécuritaire», notamment à Port-au-Prince, «caractérisée par des actes criminels de plus en plus violents perpétrés par les gangs armés», ainsi qu’en tenant compte de «l’évasion de prisonniers dangereux», actions mettant «en péril la sécurité nationale» selon le gouvernement. «Les forces de l’ordre ont reçu l’ordre d’user de tous les moyens légaux à leur disposition en vue de faire respecter le couvre-feu et d’appréhender tous les contrevenants», ajoute le communiqué.
En tant que Premier ministre par intérim, c’est le ministre de l’Economie et des Finances de Haïti, Patrick Michel Boisvert, qui a signé le document. La semaine dernière, le Premier ministre de plein exercice décrié, Ariel Henry, était en déplacement au Kenya. Avec l’autorité de Nairobi, Ariel Henry a signé un accord pour l’envoi de policiers kényans dans l’île qui connaît une grave crise sécuritaire et humanitaire, depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, en 2021. Les forces de sécurité y sont dépassées par la violence des gangs. Ceux-ci ont pris le contrôle de pans entiers du pays, y compris de la capitale Port-au-Prince où ils ont libéré plusieurs milliers de prisonniers samedi dans la soirée.
«Quasiment personne» en prison
Des policiers «ont tenté de repousser l’assaut des gangs criminels contre le Pénitencier national et la prison de Croix des Bouquets», a raconté le gouvernement haïtien dans le communiqué du 3 mars. «Cet assaut contre ces centres carcéraux a fait plusieurs blessés parmi les prisonniers et le personnel de l’Administration pénitentiaire», a-t-il complété.
Au moins une dizaine de personnes sont mortes lors de l’attaque du Pénitencier national de Port-au-Prince, dans la nuit de samedi à dimanche, par des gangs armés. «On a dénombré de nombreux cadavres de détenus», a déclaré dimanche à l’AFP Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Ce dernier a expliqué qu’il ne restait qu’une centaine de détenus en prison ce dimanche, sur environ 3 800 avant l’attaque.
Depuis jeudi, des gangs armés s’en prennent à des sites stratégiques dans l’objectif de renverser le Premier ministre contesté, Ariel Henry. Au pouvoir depuis 2021, ce dernier aurait dû quitter ses fonctions début février.
Le gouvernement a lui dénoncé les «déchaînements de criminels lourdement armés voulant à tout prix libérer des personnes gardées, notamment pour des faits de kidnapping, de meurtres et d’autres infractions graves». Plusieurs prisonniers de droit commun, des chefs de gangs connus et des inculpés dans l’assassinat du président Jovenel Moïse étaient incarcérés au Pénitencier national, situé à quelques centaines de mètres du palais national. La Police nationale «mettra tout en œuvre pour traquer les prisonniers en fuite, arrêter les responsables de ces actes criminels et leurs complices», a martelé l’exécutif haïtien.