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Libération
Dés pipés

Daniel Ortega réélu avec 75% des voix au Nicaragua

Sans surprise, le président Daniel Ortega a été réélu pour un quatrième mandat après les élections de dimanche qui se sont tenues au Nicaragua. Une victoire décriée par l’opposition et la communauté internationale.
Image transmise par le bureau de presse de la présidence du Nicaragua du président et candidat Daniel Ortega lors du vote à Managua, le 7 novembre 2021. (CESAR PEREZ/AFP)
publié le 8 novembre 2021 à 12h48
(mis à jour le 8 novembre 2021 à 13h26)

Main basse sur le Nicaragua. Vainqueur avant même le dépouillement du scrutin, le président sortant Daniel Ortega a finalement été réélu avec 75 % des voix. Pour ses détracteurs, ce scrutin présidentiel n’est rien d’autre qu’une «farce électorale». Accablée par les arrestations arbitraires et les persécutions en tous genres, l’opposition refuse de reconnaître la légitimité du vote, prévu en même temps que les élections législatives dans cet Etat centraméricain de 6,5 millions d’habitants.

Le chef de l’Etat, qui briguait un quatrième mandat en compagnie de la vice-présidente, qui n’est autre que sa femme, Rosario Murillo, est accusé d’avoir manœuvré pour éliminer toute concurrence crédible, rendant sa réélection inéluctable. Les candidats arrêtés «conspiraient, ils ne voulaient pas que ces élections aient lieu car ils ont depuis longtemps vendu leur âme à l’empire (nord-américain) et vivent à genoux en réclamant des agressions contre le Nicaragua», avait justifié Ortega.

Tous les rivaux sérieux du chef de l’Etat avaient été placés en détention. Trois ans après la répression qui a fait plus de 300 morts parmi les manifestants qui exigeaient au printemps 2018 la démission de Daniel Ortega la chasse aux opposants a fait rage : 39 personnalités politiques, hommes d’affaires, paysans, étudiants et journalistes ont été arrêtés depuis juin. Parmi eux, les sept candidats potentiels susceptibles de constituer une menace pour le président sortant.

Une opposition hors jeu

Inféodé au pouvoir, le Conseil suprême électoral a exclu les principales coalitions de l’opposition, à commencer par Citoyens pour la liberté (CxL), mise hors-jeu début août. Seules ont été autorisées à participer cinq petites structures sans poids politique, qui s’alignent le plus souvent sur les positions de l’exécutif. Des partis «moustiques», comme on les appelle au Nicaragua, qui n’ont aucune chance face au Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Baptisée en l’honneur du général révolutionnaire Augusto Sandino, cette formation jadis progressiste est à la tête du pays depuis 2006.

Plus récemment, à seulement une semaine du scrutin, Meta, la maison mère de Facebook, avait annoncé avoir démantelé un millier de comptes Facebook et Instagram gérés par une «usine à trolls» du gouvernement pour manipuler l’opinion.

«Une élection ni libre ni juste»

Du côté de Washington, on dénonce des élections «comédie». C’est ainsi que le président américain Joe Biden a qualifié dimanche ce scrutin. «Ce que le président du Nicaragua et son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, ont orchestré aujourd’hui est une élection pantomime qui n’était ni libre, ni juste, et certainement pas démocratique», a tancé Biden, cité dans un communiqué de la Maison Blanche. L’élection présidentielle au Nicaragua s’est déroulée «sans garanties démocratiques» et achève le basculement de ce pays dans un «régime autocratique», a dénoncé lundi le chef de la diplomatie de l’Union Européenne, Josep Borrell. Une «farce» également pour le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares : «Il n’y a eu aucun type de vérification de ces élections et, par conséquent, elles n’offrent aucune garantie aux yeux du gouvernement espagnol ni aux yeux de la plupart des pays de la communauté internationale», a-t-il ajouté lundi lors d’un point presse à Madrid.

A l’inverse, le président du Venezuela Nicolás Maduro a félicité son homologue sans même attendre la validation des résultats. «L’impérialisme et ses alliés rampants en Europe pointent du doigt le Nicaragua, mais il y a des gens qui aiment le Nicaragua, il y a des gens qui défendent le Nicaragua», avait-il affirmé dans une allocution télévisée, annonçant son intention de se rendre prochainement dans le pays d’Amérique centrale.

Après avoir déposé son bulletin dans l’urne, le président Ortega en a profité pour accuser ses opposants d’être «des démons […] qui choisissent la violence, le dénigrement, les calomnies, les campagnes pour que le Nicaragua soit de nouveau en proie à des affrontements violents, à la guerre». Au cours de la campagne électorale, des journalistes de plusieurs médias internationaux, dont CNN et le Washington Post, se sont vus interdire l’accès au territoire. Le gouvernement a par ailleurs refusé la présence d’observateurs indépendants.

(Mis à jour à 13:30 avec l’ajout des réactions du chef de la diplomatie de l’Union Européenne et du ministre des Affaires étrangères espagnol)