Tout est loin d’être rose concernant les droits humains en Colombie, mais une fois n’est pas coutume, la représentante du haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a félicité mardi 15 août le gouvernement de Gustavo Petro (en poste depuis tout juste un an) pour son engagement en la matière. Lors de la présentation du rapport sur la situation des droits de l’homme en Colombie pour le premier semestre de 2023, Juliette de Rivero, souriante, a même célébré le «moment historique» vécu par le pays et les changements en cours. Dans le passé, l’exercice requérait souvent beaucoup plus de diplomatie, sachant que les recommandations du bureau de l’ONU risquaient le plus souvent de ne pas être entendues par les gouvernements, et que le travail des équipes de l’ONU sur le terrain n’était pas toujours aussi bien vu des autorités.
Les chiffres témoignent cependant de la violence qui déchire toujours de nombreux territoires. Le rapport souligne l’expansion continue de la présence de groupes armés non gouvernementaux, et l’augmentation des massacres de populations civile – assassinat simultané d’au moins trois personnes, selon la définition de l’ONU. La Colombie en a enregistré 52 pour un total de 168 victimes au premier semestre de 2023. Soit une hausse de 11 % par rapport à la même période l’an dernier, en dépit des processus de négociations engagés avec plusieurs groupes armés dans le cadre de la politique de paix totale du premier gouvernement de gauche de l’histoire de la Colombie.
Interview
Selon le bureau de l’ONU, le nombre d’assassinats de défenseurs des droits de l’homme a baissé de 19 % entre le dernier semestre de 2022 et le premier semestre de 2023. Ce qui fait encore beaucoup trop de morts : 113 dénonciations et 46 cas vérifiés entre janvier et juin 2023. Les déplacements de populations ont aussi diminué de 33 % pendant la même période tandis que les confinements ont, pour leur part, augmenté de 2 %.
Changement d’époque
Soulignons qu’aux côtés de la représentante de l’ONU, la plupart des représentants du gouvernement présents mardi étaient des défenseurs des droits de l’homme qui ont longtemps été stigmatisés et menacés et qui ont aujourd’hui des postes à responsabilité. Ainsi Franklin Castañeda, qui a été le président du Comité de solidarité avec les prisonniers politiques, est aujourd’hui le directeur des droits humains au sein du ministère de l’Intérieur. Il a d’ores et déjà annoncé que le gouvernement mettrait en place un plan d’action pour suivre les recommandations du bureau de l’ONU.
Leyner Palacios, originaire de la région très oubliée du Chocó, survivant du terrible massacre de Bojayá (2002), leader reconnu et longtemps menacé, qui a fait partie de la commission vérité mise en place après l’accord de paix de 2016 signé entre le gouvernement et les Farcs, est aujourd’hui un des conseillers de la vice-présidente et ministre de l’Egalité, Francia Marquez. Il a affirmé que «le pays rural continuait de souffrir» malgré les évolutions positives et a regretté «l’impunité qui persiste» contre les responsables des assassinats des défenseurs des droits humains. Camilo Umaña, vice-ministre de la Justice, et fils d’Eduardo Umaña, avocat et défenseur des droits de l’homme assassiné en 1998, a répété que «la mort d’un seul défenseur des droits de l’homme était absolument inacceptable.»