Rayés de la carte, du jour au lendemain, comme s’ils étaient morts. Selon les informations publiées par la presse américaine jeudi 10 avril, l’administration du président, Donald Trump, a décidé en début de semaine de retirer leur numéro de sécurité sociale à un peu plus de 6 300 immigrés originaires d’Amérique du Sud ou d’Amérique centrale en les déplaçant dans une base de données administrative correspondant normalement aux «personnes décédées». Cette mesure brutale va donc les priver de leurs droits à toute prestation sociale aux Etats-Unis : obtenu de manière légale, le numéro à sept chiffres leur permettait de recevoir des aides sociales, mais aussi de travailler, de détenir un compte en banque ou de louer un logement.
Autant de démarches rendues impossibles par cette déclaration de «mort administrative» qui devrait pousser employeurs et propriétaires à rompre tout lien avec leur salarié ou leur locataire. Le 17 mars, l’agence nationale de la sécurité sociale avait publié une note de blog dans laquelle elle évoquait des cas d’erreurs administratives par lesquelles des personnes vivantes étaient placées involontairement sur la liste des personnes décédées. Le texte évoquait des situations «potentiellement dévastatrices pour l’individu, son conjoint et ses enfants à charge». «Les prestations sont interrompues à court terme, ce qui peut entraîner des difficultés financières.»
«Nous les encouragerons à s’auto-expulser»
Depuis son retour au pouvoir au mois de janvier, Donald Trump s’efforce par tous les moyens de faire partir les migrants arrivés sur le sol américain pendant le mandat de Joe Biden. Des «criminels», assure le dirigeant d’extrême droite. Au mois de mars, il a ordonné le renvoi dans un délai d’un mois plus de 500 000 Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens qui avaient obtenu un titre de séjour temporaire dans le cadre du dispositif dit «CHNV» – une décision remise en cause par la justice jeudi. Il a aussi révoqué le statut des 900 000 personnes entrées légalement aux Etats-Unis par la frontière du Mexique grâce à l’application CBP One, mise en place par Joe Biden pour lutter contre l’immigration clandestine. En trois mois, plusieurs dizaines de milliers d’étrangers expulsables ont été arrêtés à travers le pays. Plus de 200 ont été envoyés de force vers les prisons du Salvador, notoirement connu pour la violence de ses conditions de détention.
Checknews
Une porte-parole de la Maison Blanche s’est félicitée de la suppression des numéros de sécurité sociale, jeudi, en expliquant que Donald Trump «tenait ses promesses au peuple américain». «Le président Trump a promis des déportations massives. En supprimant l’incitation monétaire pour les étrangers en situation irrégulière à venir et à rester, nous les encouragerons à s’auto-expulser», a-t-elle déclaré. Ordonnée par la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, la nouvelle attaque de l’administration républicaine se nourrit des fausses nouvelles véhiculées sans relâche par le Président et ses proches (notamment son bras droit Elon Musk, chargé au gouvernement de la réduction de la dépense publique) sur de prétendues fraudes à la sécurité sociale de la part des immigrés.
La Maison Blanche veut accélérer
Il était difficile, ce vendredi, de savoir précisément pourquoi les 6 300 migrants placés dans la base de données «personnes décédées» (opportunément rebaptisée «personnes inéligibles») avaient été ciblés plutôt que d’autres. Selon une source à la Maison Blanche citée par le Washington Post, «tous ont un lien avec des activités terroristes ou un casier judiciaire». Mais l’exécutif n’a pas fourni d’élément à l’appui de ces accusations. Parmi les personnes visées figure un enfant de 13 ans, sept autres mineurs, 1 000 personnes environ qui touchaient des aides à la santé, moins de 50 qui recevaient des allocations de chômage, et tout juste 22 qui bénéficiaient d’un prêt étudiant.
Et la Maison Blanche voudrait désormais aller plus loin. «Il est prévu d’élargir la base de données en y ajoutant toute personne possédant un numéro de sécurité sociale et désignée par l’administration comme étant en situation irrégulière dans le pays», révèle le Washington Post, qui souligne les pressions exercées en ce sens par Elon Musk. «Si, sans procédure régulière, Trump et Musk peuvent illégalement “faire disparaître” ou “assassiner numériquement” toute personne entrée légalement dans notre pays, alors ils peuvent le faire à toute personne déjà légalement présente ici», a prévenu ce vendredi le commissaire de l’administration de la sécurité sociale en poste pendant le mandat de Joe Biden, Martin O’Malley.