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Interview

Disparition de Pepe Mujica, ancien président uruguayen : «Il incarnait la tradition de probité publique de son pays»

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Pour le chercheur Damien Larrouqué, l’ancien président uruguayen José Mujica, mort ce 13 mai, était l’héritier des politiques uruguayennes progressistes nées au début du XXe siècle.
José Mujica en 2022. «Dans la conversation, il était facétieux mais déconcertant, et assez intimidant par sa façon de vous scruter.» (Takayuki Fuchigami/The Yomiuri Shimbun via AFP)
publié aujourd'hui à 21h11

Maître de conférences en science politique à CY Cergy Paris Université, le chercheur Damien Larrouqué est un spécialiste de la vie politique du Cône Sud (Argentine, Chili, Paraguay, Uruguay).

Avez-vous rencontré personnellement José Mujica ?

Oui, en octobre 2015, quand il était en visite en France, quelques mois après la fin de sa présidence. Je l’ai accompagné en train de Paris à Poitiers, où il donnait une conférence sur le campus de Sciences Po. Sans protocole, sans dispositif de sécurité, c’est un voyageur comme les autres. Dans la conversation, il était facétieux mais déconcertant, et assez intimidant par sa façon de vous scruter.

Qu’est-ce qui faisait sa singularité ?

Par son rejet de la richesse ostentatoire, il était un prototype de l’Uruguayen. Il avait par exemple l’habitude de réparer lui-même les objets du quotidien au lieu d’en acheter des neufs. L’Uruguay est historiquement un pays social-démocrate, de classes moyennes, attaché aux valeurs de discrétion. Il n’y a pas de gratte-ciel de 50 étages à Montevideo, on est loin des élites économiques «m’as-tu-vu» qu’on a connu dans les pays voisins. Le peuple uruguayen cultive une discrétion naturelle, qu’incarnait parfaitement Mujica. Encore aujourd’hui, quand on voyage dans la campagne, on voit les habitants qui, le soir, ne s’enferment pas devant la télé, mais se rassemblent sur le pas de leur porte pour discuter et boire le maté, en célébrant l’échange et la chaleur humaine. C’est ainsi que