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Fed up

Donald Trump annonce limoger une gouverneure de la Banque centrale américaine, elle refuse de quitter son poste

Le président américain a pris la décision historique d’évincer une gouverneure de la Fed, alors que l’institution subit la colère du chef d’Etat depuis plusieurs mois. Mais ce dernier «n’a pas le pouvoir» de l’a renvoyer, assure l’intéressée.
Lisa Cook à Washington, le 25 juin 2025, et Donald Trump, le 22 août 2025 à Washington. (Saul Loeb. Andrew Caballero-Reynolds/AFP)
publié aujourd'hui à 11h38

La guerre entre Donald Trump et la Banque centrale américaine (Fed) prend une nouvelle dimension. Le milliardaire républicain a annoncé lundi 25 août le limogeage «immédiat» de l’une des gouverneures de cette institution indépendante. C’est la première fois dans l’histoire de la Fed qu’un président américain limoge un gouverneur.

Dans une lettre signée de sa main et qu’il a publiée sur son réseau Truth Social, le président des Etats-Unis a écrit à Lisa Cook, première femme afro-américaine à un poste de gouverneure de la Fed, qu’elle était «limogée», «avec effet immédiat», sur fond d’allégations de fraude pour un prêt immobilier personnel. «J’ai déterminé qu’il y avait suffisamment de raisons pour vous renvoyer de votre poste», a insisté le président, dont le pouvoir de renvoyer des responsables de la Banque centrale est en principe limité.

Mais Lisa Cook conteste la légalité de cette décision et assure qu’elle restera en poste. «Le président Trump a invoqué un “motif valable” pour me renvoyer, alors qu’il n’y en a pas au regard de la loi, et il n’a pas le pouvoir de le faire», a dénoncé Lisa Cook, dans un communiqué envoyé par son avocat à plusieurs médias américains. «Je ne démissionnerai pas. Je continuerai à exercer mes fonctions pour aider l’économie américaine comme je le fais depuis 2022», a-t-elle assuré.

Accusée par un proche du Président

Avec cette décision, Donald Trump accentue encore davantage la pression sur la Fed et son président Jerome Powell, à qui il reproche sa réticence à baisser les taux d’intérêt. Vendredi dernier, le chef d’Etat avait prévenu qu’il était disposé à «virer» Lisa Cook si elle ne démissionnait pas, alors qu’elle est accusée par un proche du président d’avoir falsifié des documents pour obtenir un prêt immobilier. Nommée en 2022 par le président démocrate Joe Biden, ancienne collaboratrice de Barack Obama, la gouverneure est sous pression de la Maison Blanche depuis plusieurs jours.

Le responsable de l’Agence de financement du logement (FHFA), Bill Pulte, nommé par Donald Trump, l’a accusée d’avoir «falsifié des documents bancaires et des registres de propriété afin d’obtenir des conditions d’emprunt favorables» pour deux prêts immobiliers, selon l’agence Bloomberg. Accusée d’avoir déclaré deux résidences principales, une dans le Michigan, l’autre en Géorgie, elle avait répondu la semaine dernière, dans une déclaration à l’AFP, que son prêt avait été contracté avant qu’elle ne rejoigne la Fed. Contactée, la Réserve fédérale n’a pas répondu immédiatement pour commenter l’annonce du président.

Dans sa lettre, Donald Trump l’accuse d’avoir eu «au minimum une conduite révélatrice d’une négligence grossière en matière de transactions financières, ce qui soulève des questions sur [sa] compétence et [sa] fiabilité en tant que régulatrice financière».

Il est probable que la décision de Donald Trump sera rapidement contestée en justice, ce qui permettrait à Lisa Cook de rester en poste le temps de la procédure. «Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour empêcher cette tentative d’action illégale», a répondu l’avocat de la gouverneure, Abbe David Lowell, cité par des médias américains.

Une «prise autoritaire du pouvoir»

Pour la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, il s’agit d’une «prise autoritaire du pouvoir qui viole de manière flagrante la législation sur la Réserve fédérale». Car depuis des semaines, le président conservateur républicain a Jerome Powell dans son collimateur. Ce dernier s’est pourtant montré vendredi ouvert à une prochaine diminution des taux, afin de soutenir l’emploi en raison d’une possible dégradation «rapide» du marché du travail.

Le mandat de la Fed lui donne l’autorité pour fixer les taux d’intérêt de façon que le taux d’inflation reste stable (autour de 2 %) et que le plein-emploi soit assuré. Or les droits de douane mis en place par Donald Trump depuis avril bousculent l’économie.

Le président américain a affublé Jerome Powell du surnom de «Trop tard» car il aurait dû selon lui baisser les taux «il y a un an», malgré les pressions inflationnistes. Donald Trump a déjà profité de la démission d’une autre responsable de la Fed pour nommer un de ses proches conseillers, Stephen Miran, avant le renouvellement prévu pour ce poste, fin janvier prochain. Une nomination qui doit être confirmée par le Sénat à majorité républicaine.