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Tensions

Heurts en Californie et déploiement de la garde nationale : les autorités locales accusent Donald Trump d’attiser les tensions

Le président américain avait annoncé l’intervention des gardes appartenant à l’armée après les incidents de vendredi et samedi survenus à la suite de raids par la police de l’immigration contre des immigrés. Les autorités californiennes parlent d’une situation maîtrisée et accusent Trump de jeter de l’huile sur le feu.
Un manifestant agitant un drapeau mexicain, samedi 7 juin à Los Angeles. Sur la voiture derrière lui est écrit «Fuck ICE», pour police de l’immigration (ICE). (Ringo Chiu/AFP)
publié le 8 juin 2025 à 9h47
(mis à jour le 8 juin 2025 à 16h48)

La Californie s’est réveillée dimanche 8 juin avec une guerre des mots engagée entre l’administration de Donald Trump et les autorités locales de l’Etat de l’Ouest américain. Le gouverneur de Californie, le démocrate Gavin Newsom, régulièrement vilipendé par le président républicain, a dénoncé la déclaration de ce dernier, samedi soir, de mobiliser la garde fédérale nationale, qui appartient à l’armée, pour mettre fin aux heurts qui ont éclaté vendredi à Los Angeles et dans ses environs, notamment dans la ville de Paramount, située à une trentaine de kilomètres.

La décision de déployer 2 000 membres de la garde nationale, qui seraient arrivées sur place dimanche après-midi (dimanche matin à Los Angeles), selon des images diffusées par la chaîne de télévision ABC7, est «volontairement incendiaire et ne fera qu’aggraver les tensions», a estimé Gavin Newsom. Le gouvernement fédéral intervient «non pas parce qu’il y a une pénurie de forces de l’ordre, mais parce qu’ils veulent du spectacle. Ne leur en offrez pas. N’utilisez jamais la violence. Exprimez-vous pacifiquement», a-t-il lancé à l’adresse des manifestants.

Dimanche matin, les rues de Los Angeles étaient calmes, même si la crainte de nouvelles manifestations dans la soirée était palpable.

Les services du shérif de Los Angeles ont indiqué avoir procédé à l’arrestation de deux personnes dans la nuit de samedi à dimanche à Paramount. Trois policiers ont été soignés dans un hôpital local et un véhicule et un petit centre commercial ont été incendiés. La police de Los Angeles a également indiqué avoir procédé à un certain nombre d’interpellations de manifestants devant le centre de détention Metropolitan à Los Angeles, mais que les protestations étaient dans leur majorité «pacifiques».

Vague d’arrestations de masse

Les heurts ont démarré vendredi et se sont aggravés samedi soir, lorsque des résidents de Los Angeles et de Paramount, où vit une large communauté latino-américaine, se sont opposés à une nouvelle vague d’arrestations de masse menée par les agents fédéraux de la police de l’immigration (ICE). Beaucoup des habitants de cette ville travaillent comme saisonniers dans les hôtels des quartiers touristiques de Los Angeles.

La garde nationale n’avait pas encore été déployée dans le comté de Los Angeles que Donald Trump, sur son réseau Truth Social, se félicitait sans sourciller de l’intervention des troupes fédérales, qui n’ont donc joué aucun rôle pour le moment dans la gestion des incidents. «On nous a dit que la garde nationale a été déployée, mais ce n’est pas le cas, ils ne sont pas encore sur le terrain», a déclaré le shérif adjoint Tracy Koerner. «Que les choses soient claires, la garde nationale n’a pas été déployée dans la ville de Los Angeles», a réitéré sur les réseaux sociaux la maire de la ville, Karen Bass.

L’administration Trump a justifié la mobilisation de l’armée par des émeutes désormais «incontrôlables», un jugement contredit par les autorités locales qui n’ont pas demandé de ressources supplémentaires et ont précisé que la situation sur le terrain était sous contrôle. La mobilisation de la garde nationale est un événement rarissime et n’intervient en principe que sur demande du gouverneur de l’Etat, ce qui n’est pas le cas dans les circonstances présentes.

Donald Trump a invoqué son autorité présidentielle en s’appuyant sur la rubrique «Title 10» du code des services de l’armée américaine, qui spécifie que le président peut mobiliser la garde nationale dans des conditions extrêmes, comme en présence d’une «rébellion ou d’un danger de rébellion contre l’autorité du gouvernement des Etats-Unis».

Depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a promis de mener la plus importante expulsion d’immigrants des Etats-Unis de l’histoire.

Les images des incidents de vendredi et samedi montraient des manifestants brandir des drapeaux sud-américains et lancer des projectiles en direction de voitures de police aux gyrophares allumés, dans un nuage de fumée.

C’est dans ce contexte que Donald Trump «a signé un mémorandum présidentiel prévoyant le déploiement de 2 000 gardes nationaux pour remédier à l’anarchie qu’on a laissé prospérer», a déclaré samedi soir la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, en rejetant la faute sur les dirigeants démocrates californiens «incapables».

«Utiliser les manifestations pour justifier des expulsions»

«Si le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, et la maire de Los Angeles, Karen Bass, ne peuvent pas faire leur travail, ce que tout le monde sait, alors le gouvernement fédéral interviendra et résoudra le problème», avait écrit le Président sur son réseau Truth Social. L’épouse du gouverneur, Jennifer Siebel Newsom, a répliqué sur X en soulignant que les vagues de rafles d’immigrés instillent la peur en Californie, alors que ces derniers sont «essentiels à la vie et au cœur de notre Etat». «Utiliser les manifestations pour justifier des expulsions représente un dangereux précédent», a-t-elle écrit.

Les troubles ont démarré samedi matin, lorsque des membres de l’ICE se sont rassemblés près d’un grand magasin de bricolage, Home Depot, où des travailleurs viennent traditionnellement proposer leurs services pour la journée. Il n’est pas clair si les agents de l’ICE s’apprêtaient à arrêter des personnes sans papiers, ou s’ils se rassemblaient simplement à cet endroit en vue d’une autre opération.

Mais des manifestants ont commencé à se regrouper et le bureau du shérif a indiqué avoir déployé des agents sur place en fin de matinée alors que les tensions montaient. Des manifestants ont alors jeté des objets sur les forces de l’ordre et tenté d’empêcher un autocar de quitter les lieux. Les agents les ont repoussés à l’aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes.

Les marines «déjà en état d’alerte»

Des manifestants s’en sont également pris à un car de l’US Marshals Service qui sortait d’une autoroute voisine, conduisant les autorités à fermer les bretelles d’accès. Les rues ont été jonchées de débris et de chariots renversés, selon les images des médias américains, qui ont rapporté aussi que des manifestants ont mis le feu à un drapeau américain. Des incidents du même type s’étaient déjà produits vendredi à Los Angeles, où des manifestants avaient jeté des œufs sur des véhicules de l’ICE après que des agents eurent arrêté des sans papiers.

Le ministre de la Défense, Pete Hegseth, a menacé de faire aussi appel à l’armée régulière basée non loin. Si nécessaire, les «marines de Camp Pendleton seront également mobilisés. Ils sont déjà en état d’alerte», a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux.

Pendant qu’il abreuvait Truth Social de messages alarmistes sur la situation à Los Angeles, Donald Trump assistait à un combat de MMA non loin de Bedminster, dans le New Jersey, où il possède une résidence et passe le week-end. Il était assis au premier rang à côté de son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, de l’ancien champion de boxe Mike Tyson, de son fils Eric Trump et de sa fille et son époux, Ivanka Trump et Jared Kushner.

Le dernier déploiement de la garde nationale en Californie pour des troubles civils remonte à 2020, à la suite des violentes émeutes provoquées par la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier à Minneapolis.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président américain et son gouvernement ont multiplié les initiatives, parfois violentes, pour expulser un maximum de sans papiers du pays, tout en cherchant à étendre leurs prérogatives en la matière.

Le ministère de la Sécurité intérieure a déclaré que les opérations menées par l’ICE à Los Angeles cette semaine avaient abouti à l’arrestation de «118 étrangers, dont 5 membres de gangs».

Mis à jour à 16 h 37 avec de nouveaux éléments.