C’est simple : si on n’obéit pas à Donald Trump, on dégage. Le président de la banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, s’est attiré les foudres du tribun américain en refusant d’accéder à sa demande d’abaisser les taux d’intérêt de l’institution. Résultat, le gouvernement étudie désormais la possibilité de limoger le banquier, a fait savoir, ce vendredi 18 avril, le principal conseiller économique de la Maison Blanche. «Je ne suis pas content de lui. Je lui ai fait savoir et si je veux qu’il parte, il partira vite fait, croyez-moi», a assuré la veille Donald Trump dans le Bureau ovale. C’est pourtant lui qui l’avait nommé à la tête de la Fed, lors de son premier mandat en 2018.
Du jamais-vu
«Le président et son équipe continueront à se pencher sur la question» de limoger Jerome Powell, a dit à des journalistes le directeur du Conseil économique national, Kevin Hassett, alors que Donald Trump a réitéré mercredi ses attaques contre le patron de la Fed au sujet de sa politique de taux d’intérêt. «Il est plus que temps que le mandat de Powell se termine», a écrit le milliardaire sur sa plateforme Truth Social, bien que le second mandat du président de la Fed doive s’achever en mai 2026. L’intéressé a déclaré début avril avoir l’intention de «rester en poste jusqu’à la fin de [son] mandat» en 2026.
Krach
Donald Trump accuse aujourd’hui le chef de la Fed de politiser la banque centrale américaine. C’est Joe Biden qui l’a reconduit, en 2021, pour un second mandat. En août dernier, en pleine campagne électorale, Donald Trump avait menacé l’indépendance de l’agence, suggérant que la Maison Blanche pourrait avoir son mot à dire concernant la politique monétaire. Le président américain n’a pas le pouvoir de limoger directement les patrons de la Fed. Pour tenter de destituer Jerome Powell, Donald Trump devrait entamer une longue procédure et prouver que ce dernier a commis une faute grave.
S’il n’est pas rare que présidents américains et patrons de la Fed s’opposent sur la politique monétaire à suivre, toute tentative de démettre Jerome Powell de ses fonctions serait du jamais-vu dans l’histoire américaine contemporaine. Donald Trump lui en veut de ne pas avoir «baissé les taux d’intérêt depuis longtemps déjà, comme la BCE», la Banque centrale européenne, et l’encourage à «le faire maintenant».
«Je pense qu’il a tort»
Les responsables de la BCE, qui se réunissent toutes les six semaines, viennent en effet de s’accorder sur une baisse de 0,25 point des taux directeurs pour renforcer l’économie de la zone euro. Sa présidente, Christine Lagarde, a dit jeudi 17 avril que la BCE devait «faire face à l’imprévisible» et se montrer «agile», jugeant impossible de s’engager à l’avance sur une trajectoire de taux dans le contexte incertain de guerre commerciale menée par les Etats-Unis. Elle a aussi affiché sa solidarité avec son homologue de la banque centrale américaine, pour qui elle a dit avoir «beaucoup de respect».
«Nous n’avons pas besoin de ses compliments pour agir et savoir ce qui est juste», a réagi de son côté le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau interrogé sur les déclarations la veille de Donald Trump qui a demandé à la Fed de s’inspirer de la BCE sur la baisse des taux d’intérêt. «Je pense qu’il a tort», a également déclaré le banquier français au sujet des critiques formulées par le président Trump contre Jerome Powell sur sa lenteur à baisser les taux. Le président de la Banque de France a souligné l’importance de l’indépendance des banques centrales et la situation spécifique aux Etats-Unis, qui risquent de connaître une flambée inflationniste en raison de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. «Moins la politique américaine est crédible, plus les autorités monétaires doivent l’être», a estimé François Villeroy de Galhau, interrogé sur la grande volatilité des marchés financiers depuis le lancement de la guerre commerciale lancée par Donald Trump.
Situation «compliquée»
Les droits de douane du président américain placent la Réserve fédérale dans une situation «compliquée», avait déclaré mercredi Jerome Powell, en estimant que ces surtaxes allaient «très certainement entraîner au moins une hausse temporaire de l’inflation». «Les prix du pétrole sont en baisse, le montant des courses (même les œufs !) aussi, et les Etats-Unis s’enrichissent grâce aux droits de douane», a répondu tôt jeudi le président américain, pour qui le patron de la Fed «est toujours trop lent et a toujours tort». Le dirigeant républicain avait déjà exhorté le 4 avril Jerome Powell à baisser les taux d’intérêt, estimant alors que ce serait «le moment parfait».
Décryptage
La Fed a maintenu ses principaux taux stables, entre 4,25 % et 4,50 %, depuis le début de l’année. La baisse du pétrole a freiné l’inflation en mars, avec l’indice des prix à la consommation qui a reculé de 0,1 %, après une hausse de 0,2 % en février. L’indice a été tiré vers le bas par la baisse des prix à la pompe : -6,3 % sur un mois et -9,8 % sur un an. Cela a conforté la Maison Blanche dans sa politique douanière, alors que les économistes prévoient un regain d’inflation dû aux nouveaux droits de douane mis en place par Donald Trump.
Or, en mars, les surtaxes sur les produits importés aux Etats-Unis n’étaient pas toutes entrées en vigueur. Depuis, et malgré de spectaculaires revirements, les Etats-Unis frappent les produits étrangers de 10 % de droits de douane additionnels, et ceux en provenance de Chine d’une surtaxe punitive de 145 %.