Des prières dévotes psalmodiées à voix basse et des chants combatifs époumonés en chœur. Des médailles religieuses et des brassards syndicaux. Au pèlerinage de San Cayetano, dans le quartier ouvrier de Liniers, à l’ouest de Buenos Aires, la religiosité populaire et la lutte politique s’accolent en un grand rite syncrétique autour du populaire saint italien, censé apporter pain et travail. Cette année plus que d’autres, en ce week-end d’août, il y a foule, des dizaines de milliers de personnes, alors que le jour se lève. Un peu parce que c’est la première après deux éditions avortées pour cause de pandémie, mais surtout à cause de la crise économique, sociale et politique dans laquelle est à nouveau embourbée l’Argentine.
37,2 % de la population vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté : 17,4 millions de personnes, dont beaucoup de travailleurs pauvres. L’inflation colossale, qui devrait atteindre 90 % cette année selon les estimations les plus optimistes, dévore la qualité de vie des Argentins. Alors la promesse de San Cayetano – du pain et du travail – prend un caractère d’urgence tout particulier. Il y a ceux qui implorent un miracle : durant une bonne partie de la nuit, dans le froid de l’hiver austral, ils ont fait la queue sur plusieurs centaines de mètres pour pouvoir entr