Parmi les groupes les plus courtisés par les deux candidats avant le second tour de la présidentielle dimanche, les femmes et les évangéliques (terme qui rassemble les membres des très nombreuses églises protestantes) figurent en bonne place. Mais la grande bataille semble tourner autour du vote des plus démunis. Traditionnellement, les pauvres sont du côté de Lula, dont chacun connaît les origines très humbles de fils de paysans du Nordeste devenu ouvrier, puis syndicaliste. Et les politiques de redistribution qu’il a mises en place sous ses deux mandats de président, entre 2003 et 2011, et qui ont sorti de l’indigence entre 30 et 40 millions de personnes.
Vu de São Paulo
De son côté, Jair Bolsonaro ne ménage pas ses efforts pour combler le déficit de voix. Il a à sa disposition un levier d’autant plus facile à utiliser qu’il se situe entre ses mains : les aides sociales baptisées «Auxílio Brasil» («assistance Brésil»), provenant du budget de l’Etat. Ont droit à ces allocations les 36 millions de personnes en situation de pauvreté extrême, au revenu inférieur à 1,50 dollar (1,49 euro) par jour.
Un demi-million de familles supplémentaires éligibles aux aides
Dès le lendemain du premier tour, l’équipe Bolsonaro a dégainé des mesures en faveur de cet électorat. De nouveaux critères ont rendu éligibles au dispositif un demi-million de familles supplémentaires. Lula promettait dans sa campagne d’ajouter aux 600 reais mensuels (112 euros) une prime de 150 réais par enfant de moins de 6 ans. En réponse, le président en exercice sort de son chapeau un supplément de 200 reais pour toutes les femmes, qui en outre pourraient aussi bénéficier d’un treizième mois. Ces 600 reais correspondent à la reconduite de l’aide d’urgence décidée en 2020, au moment de la paralysie de l’économie due à la pandémie. Après être revenu à 400 reais quand le confinement a été levé, le gouvernement a rapidement fait machine arrière.
Après le premier tour
Autre promesse présidentielle : un bonus de 800 reais à tout bénéficiaire d’Auxílio Brasil qui trouverait un emploi. Une incitation à la recherche de travail, puisque le système est souvent accusé de fomenter l’oisiveté. Lula, dans son programme, proposait pour sa part une revalorisation du salaire minimum, actuellement fixé à 1 212 reais, au-delà de l’inflation, qui cette année devrait se situer autour de 6 %.
Versement anticipé des prestations sociales
En outre, le versement des prestations sociales a été avancé pour tomber largement avant le second tour. Comme le montre le calendrier officiel, les virements sont échelonnés entre le 17 et le dernier jour de chaque mois, en fonction du dernier chiffre du NIS (l’équivalent du numéro de Sécurité sociale) des bénéficiaires. En ce mois d’octobre, l’argent a été envoyé entre le 11 et le 27. L’Auxílio Gas a lui aussi été payé par anticipation. Cette aide, instaurée fin 2021, correspond à 50 % du prix de la bombonne de gaz liquéfié de 13 kilos, soit 112 reais aujourd’hui.
L’Auxílio Brasil est le nouveau nom donné par Bolsonaro à la «Bolsa Familia» («bourse famille»), le programme de redistribution de rente que Lula a généralisé en 2003 – et implanté par son prédécesseur, le centriste Fernando Henrique Cardoso. La formule Lula reste aujourd’hui citée en exemple par l’ONU et les grandes institutions financières, qui ont souligné son efficacité et son coût modeste : moins de 0,5 % du PIB.