Vendu dans les supermarchés de toute la Colombie, l’apéritif «aromatisé à l’eau-de-vie» Rey de Reyes («roi des rois») a été retiré des points de vente ce mois-ci. Les autorités sanitaires ont alerté sur la présence de méthanol dans certaines bouteilles et recommandé à la population de s’abstenir d’en consommer. «Le méthanol est une substance toxique qui peut provoquer des dommages au système nerveux, une vision floue, la cécité, des difficultés respiratoires, des états de coma et même la mort», mettait en garde le 9 décembre la mairie de Bogotá dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.
🚨¡Pilas! 🚨 Evita consumir la bebida 'Rey de Reyes'; en algunas unidades se identificó metanol.
— Secretaría Distrital de Salud (@SectorSalud) December 8, 2022
☎️Informa a las autoridades mediante la Línea 123 o al hospital de la localidad el sitio donde se identifique que se esté vendiendo o manipulando este tipo de bebida. pic.twitter.com/HuF5I1EUCx
Les risques liés à la consommation de boissons distillées artisanalement (et illégalement) sont connus de longue date, et font des milliers de morts chaque année dans les pays pauvres de tous les continents. Mais la dernière vague en Colombie a surpris les spécialistes par son ampleur. De source officielle, 37 personnes sont mortes à Bogotá d’un empoisonnement au méthanol. Et trois autres à Soacha, dans la périphérie de la capitale.
L’idée que l’alcool artisanal circule surtout dans les campagnes est ainsi battue en brèche. L’autre nouveauté, c’est la présence parmi les produits incriminés non plus de tord-boyaux vendus sous le manteau, mais de marques légales et solidement établies, tels que Rey de Reyes ou le whisky local Old John, élaboré dans le département de Tolima et plébiscité par les jeunes (un groupe punk-rap lui a même dédié un hymne). La majorité des empoisonnements provient cependant de liqueurs et d’eaux-de-vie illégales.
Des morts par ingestion de méthanol ont aussi été signalées dans les pays voisins. En Equateur, 20 intoxications mortelles ont été signalées en octobre. Douze d’entre elles concernaient des participants à une veillée funèbre. Au Pérou, le même mois, plus de 50 morts ont été constatées, en raison de sodas additionnés d’alcool méthylique vendus dans le commerce informel.
Du Maroc à l’Inde
L’alcool méthylique est un composant industriel utilisé notamment comme solvant et obtenu par distillation du bois. Impropre à la consommation, il est pourtant largement utilisé dans le monde pour fabriquer des alcools à moindres frais, mais à haut risque pour la santé. Dans le nord du Maroc en septembre, 19 personnes sont mortes après avoir bu un alcool de contrebande acheté dans la même épicerie de Ksar-el-Kebir, près de Tanger.
Dans le Bihar en Inde, l’un des trois Etats de l’Union soumis à la prohibition sur la vente et la consommation d’alcool, au moins 37 personnes sont mortes en ce mois de décembre après avoir consommé de l’alcool trafiqué. La «loi sèche» imposée en 2016 dans cette région de 125 millions d’habitants a stimulé le marché noir et multiplié les déplacements vers le Népal voisin, où l’alcool est en vente libre.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’alcool est responsable de plus de 3 millions de morts par an, soit 5 % de la mortalité mondiale (7,1 % pour les hommes et 2,2 % pour les femmes), mais 10 % dans la catégorie 15-49 ans. Dans son dernier rapport annuel, l’agence onusienne cite les accidents de la route et les maladies cardiovasculaires comme principaux responsables des décès liés à l’abus d’alcool. Les méfaits des boissons frelatées occupent une part infime dans ce bilan.