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Libération
Colère sociale

En Argentine, les universités se soulèvent contre Javier Milei

Pour réclamer la hausse des budgets et des salaires face à l’inflation, l’enseignement supérieur a manifesté mercredi 2 octobre. Le président ultralibéral s’accroche à ses coupes dans les dépenses publiques.
Lors de la manifestation sur l'«urgence budgétaire» des universités argentines à Buenos Aires, mercredi 2 octobre. (Pedro Lazaro Fernandez/Reuters)
publié le 3 octobre 2024 à 20h26

«Sans éducation pour le peuple, pas de paix pour le gouvernement !» «La plus grande victoire : une université remplie d’enfants d’ouvriers !» «De quelle “liberté” nous parle-t-on sans éducation ?» Mercredi 2 octobre, une foule de manifestants défendait l’enseignement supérieur, avec banderoles et pancartes, dans les rues de Buenos Aires et des autres grandes villes. La réponse du président d’extrême droite Javier Milei est arrivée ce jeudi matin, dans le journal officiel : son veto à une loi approuvée au Sénat visant à augmenter les salaires des enseignants de l’université. La décision reste toutefois en suspens, puisqu’elle peut être invalidée par une majorité des deux tiers à la chambre des députés, où le parti libertarien de Milei, La liberté avance, est minoritaire.

Le défilé de mercredi, à l’appel d’enseignants et étudiants, mais soutenu par des syndicats et des mouvements sociaux, exigeait la proclamation de «l’urgence budgétaire» à l’université. Le mouvement prolonge la spectaculaire mobilisation du mois d’avril, où des centaines de milliers d’Argentins avaient manifesté dans la capitale et en province. C’était, alors, pour défendre le budget des universités, gelé pour 2024 au niveau de 2023, malgré une inflation hors de contrôle. L’exécutif avait été contraint de rétropédaler et de lâcher du lest pour les dépenses de fonctionnement.

Repaires de «communistes»

Cette fois, les exigences portent sur un rattrapage des salaires des enseignants du supérieur (un débutant gagne autour de 600 euros par mois) et sur une loi, déjà approuvée au Sénat, imposant une réévaluation bimensuelle du budget de chaque établissement.

L’éducation publique supérieure est un motif de fierté pour les Argentins de presque tous bords. Devenue gratuite en 1949, sous la première présidence du militaire populiste Juan Perón, elle a accueilli plusieurs générations d’étudiants issus des milieux défavorisés. Et fait de l’Argentine une puissance dans la recherche : c’est le pays sud-américain qui compte le plus de prix Nobel de sciences. Un argument auquel le président «libéral-libertaire» est peu sensible : il considère que les universités sont des repaires de «communistes» qui endoctrinent les élèves. Et elles représentent «un coût auquel l’Etat n’a pas les moyens de faire face», a ajouté mercredi son chef de cabinet (équivalent de Premier ministre), Guillermo Francos.

Mi-septembre, en présentant son projet de budget 2025 au Parlement, Milei se vantait d’avoir mis en place «l’ajustement économique le plus important de l’histoire de l’humanité». Les indicateurs socio-économiques dessinent le bilan de ses dix mois de gestion, avec pour objectif principal le «déficit zéro» du budget, et une dépense publique réduite au minimum. Son premier succès a été le ralentissement de l’inflation, ramenée autour de 4 % mensuels, contre 17 % en moyenne sur l’année 2023. Le chômage en revanche s’est aggravé, à 7,7 % à la fin du deuxième trimestre (+ 1,4 % en un an).

52,9% de la population sous le seuil de pauvreté

La brutale dévaluation de la monnaie (plus de 50 %) et la récession (-3,5 % prévus pour 2024) ont fait grimper la précarité : 52,9 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (+ 6 points) et 18,1 % sont en situation de pauvreté extrême. La popularité de Javier Milei, qui affichait 45 à 50 % d’opinions positives il y a deux mois, a baissé de dix points.

Comme il en a l’habitude, Javier Milei a multiplié les messages sur X pour s’indigner de la présence de dirigeants de l’opposition à la manifestation, et qualifier les participants de «parasites». Il a en outre trouvé le temps de recevoir pendant deux heures un de ses admirateurs : Jordan Belfort, l’ex-trader new-yorkais qui a inspiré le film le Loup de Wall Street.