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Libération
Sauver la forêt

En Colombie, les pays de l’Amazonie à l’unisson avant la COP 30

Les huit pays de l’Organisation du traité de coopération amazonienne se sont réunis cette semaine à Bogota. Objectif : arriver à la COP30 de Belém avec «une position commune» pour défendre leur forêt commune, poumon vert de la planète.
De gauche à droite: Maria Jose Pinto (vice-présidente équatorienne), Lula (président brésilien), Gustavo Petro (président colombien) et Luis Arce (président bolivien), le 22 août à Bogota. (Fernando Vergara/AP)
publié le 23 août 2025 à 13h48

Pour le bien de la planète, il reste urgent de sauver l’Amazonie. Les huit pays amazoniens réunis à Bogota à l’occasion du 5e sommet de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (Otca) qui s’est achevé le 22 août, en sont conscients même si leurs intérêts nationaux ne concordent pas toujours. Et cette institution intergouvernementale créée en 1978, semble vouloir, après des années de silence diplomatique et de paralysie bureaucratique, commencer à agir, notamment sous l’impulsion des présidents colombien et brésilien Gustavo Petro et Luiz Inácio Lula da Silva, arrivés au pouvoir respectivement en 2022 et 2023 avec des positions environnementales qui contrastent avec les politiques de leurs prédécesseurs. C’est la deuxième réunion de chefs d’Etat de l’organisation en deux ans — la précédente avait eu lieu à Belém en 2023, mais celle d’avant remontait à 2019 — et les sommets devraient désormais régulièrement se tenir à ce rythme, c’est-à-dire tous les deux ans avec une évaluation de la mise en œuvre des engagements.

À l’issue du sommet de Bogota, les représentants des huit pays amazoniens — les présidents de la Bolivie, du Brésil, et de la Colombie ; les deux vice-présidentes de l’Equateur et du Venezuela, et les ministres de relations extérieures du Guyana, du Pérou et du Suriname — se sont accordés pour arriver unis et en force à la conférence des Nations unies sur le climat dans à peine trois mois au Brésil.

Lula a ainsi demandé que «la COP 30 soit la COP de la vérité». «L’Amazonie est au centre de l’agenda mondial», a martelé la vice-présidente équatorienne. «Il est fondamental d’arriver avec une position commune», a souligné Gustavo Petro, insistant sur la création d’un mécanisme financier qui permet d’alimenter annuellement un fond international pour la protection des forêts tropicales. Le président colombien a aussi salué l’instauration d’une «Otca sociale», qui vise à intégrer pleinement les peuples autochtones et la société civile dans les décisions politiques.

Les peuples autochtones à l’honneur

Une des résolutions les plus importantes et innovantes du sommet de Bogota est, dans ce sens, l’approbation d’une instance de cogouvernance des représentants des peuples autochtones et des gouvernements de chaque pays au sein de l’Otca. «C’est un pas historique car il n’y a pas d’avenir climatique sans les peuples autochtones», a souligné Ginny Katherine Alba Medina devant les gouvernants de l’Otca réunis sur la place d’armes du palais présidentiel de Bogota.

La secrétaire aux droits de l’Homme de l’Opiac (organisation des peuples indigènes de l’Amazonie colombienne) s’exprimait au nom «des 500 peuples de l’Amazonie, dont 168 en isolement volontaire». Elle a encouragé les gouvernants «à sortir de l’énergie fossile et de l’extractivisme destructeur» et pressé la communauté internationale à appliquer les accords climatiques précédents. «Nous voulons passer des mots à l’action», a-t-elle conclu. D’autres représentants des peuples autochtones, qui ont participé toute la semaine aux «dialogues amazoniens» en marge du sommet, se sont pressés à la tribune, parlant, une fois n’est pas coutume, avant les présidents.

Lula a aussi annoncé la création d’un centre policier régional à Manaus, afin de lutter contre les groupes armés, les trafics illégaux — drogue, bois, or et autres minéraux — qui contribuent à détruire la forêt et à mettre en danger les peuples qui l’habitent.

La responsabilité des pays du nord

Souvent qualifiée de poumon du monde, la forêt amazonienne, sert de régulateur du climat mondial et sa dégradation est telle qu’elle pourrait atteindre le fameux «point de non-retour». «Nous sommes déjà dans la période de transition qui met en péril l’écosystème amazonien et mène à ce point de non-retour», pointe Arnaldo Carneiro, coordinateur de l’Observatoire régional de l’amazonie (ORA) de l’Otca qui informe en direct sur l’état de la forêt.

Or, pour le chercheur, «entre 50 et 60 % de la dégradation de la forêt amazonienne proviennent du réchauffement produit par l’hémisphère nord et entre 30 % à 40 % de la déforestation locale». Les émissions de gaz à effet de serre des pays du nord impactent en effet l’ensemble du climat planétaire et notamment l’Amazonie qui a connu des périodes de sécheresses intenses et extraordinaires en 2023 et 2024. Et quand les arbres amazoniens meurent ou brûlent, ils n’absorbent plus de CO2, voire en relâche, ce qui accélère aussi le réchauffement climatique.

Par ailleurs, le phénomène plus récemment étudié des «rivières volantes» de l’Amazonie est crucial pour réguler les pluies sur l’ensemble du continent sud-américain et maintenir des climats stables. Ces immenses masses d’eaux proviennent de l’humidité libérée par la forêt sous forme de vapeur d’eau et sont transportées par les vents dans des régions plus éloignées où elles deviennent des pluies. Si la forêt est dégradée, ces rivières volantes diminuent. La sécheresse en Amazonie peut ainsi par exemple conduire à un rationnement d’eau à Bogota. Une preuve de plus, s’il en faut, que sauver l’Amazonie est bien l’affaire de tous.