C’est un repli de montagne où tout peut arriver, dans une Colombie encore en guerre. Au lieu-dit La Despensa, la route menant au village de Toribío tourne à gauche en épingle, tandis que sur la droite une piste caillouteuse s’élance vers les hauteurs de la Cordillère centrale. Il y a quelques mois encore, un groupe dissident des ex-Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) tenait là un check-point.
«Les guérilleros postés ici rackettaient ceux qui passaient et commettaient des enlèvements», explique Ana Rubiela Quiguapumbo, autorité traditionnelle élue du peuple Nasa de Toribío. Alors «la communauté a pris la décision de leur prendre cet endroit», dit-elle en tenant d’une main ferme son bâton de commandement. Le 25 mars, à 3 heures du matin, les Nasas sont arrivés en masse à La Despensa, profitant du repos des guérilleros. «Ils sont revenus à l’aube et, surprise, on était là. Ils ont dû se retirer», raconte Ana Ruviela. Depuis, les gardes indigènes s’y relaient nuit et jour.
Sans arme, par la seule force de leur nombre et de leur détermination, le peuple Nasa tient tête depuis des décennies aux d