En résumé :
- La présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis Nancy Pelosi est arrivée mardi soir à Taïwan, que la Chine considère comme une province rebelle faisant partie de son territoire. Elle est repartie en milieu de journée ce mercredi.
- La responsable politique, troisième personnage le plus important de l’Etat américain, a rencontré la présidente de Taiwan Tsai Ing Wen. «Nous n’abandonnerons pas notre engagement envers Taiwan», a-t-elle déclaré.
- Cette visite a déclenché la colère de Pékin. «Ceux qui offensent la Chine devront être punis, de façon inéluctable», a prévenu Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères.
Des avions militaires chinois s’approchent de Taiwan. Vingt-sept avions militaires chinois ont pénétré ce mercredi dans la zone de défense aérienne taïwanaise, selon un communiqué du ministère de la Défense taïwanais publié sur Twitter. Ce mouvement est présenté par Pékin comme un acte de rétorsion consécutif à la visite sur l’île de Nancy Pelosi.
27 PLA aircraft (J-11*6, J-16*5 and SU-30*16) entered the surrounding area of R.O.C. on August 3, 2022. Please check our official website for more information: https://t.co/m1gW2N4ZL7 pic.twitter.com/Aw71EgmRjj
— 國防部 Ministry of National Defense, R.O.C. 🇹🇼 (@MoNDefense) August 3, 2022
Carte de Taiwan et des eaux environnantes, localisant les zones des exercices militaires chinois prévus entre le 4 et le 7 août ⤵️ #AFP #AFPGraphics pic.twitter.com/YAtHCv11X8
— Agence France-Presse (@afpfr) August 3, 2022
Un portrait qui en dit long. Sur une photo de Tsai Ing Wen et Nancy Pelosi prise dans les locaux de la présidence de Taiwan pendant la visite de l’Américaine, on remarque un portrait de Sun Yat-sen, premier président de la république de Chine, en 1912. Pourtant, celui-ci ne s’est jamais rendu à Taiwan, qui appartenait au Japon quand il tenait le pouvoir. Comment comprendre, alors, la présence de ce portrait ? Les explications de Pierre Haski, ancien journaliste de Libération et spécialiste de la Chine, sont à retrouver sur Twitter.
Un détail dans cette photo de Nancy Pelosi et de la Présidente taiwanaise Tsai Ing-wen : le portrait derrière les deux femmes résume toute la complexité et l’ambiguïté de la situation. C’est celui de Sun Yat-sen, le père de la République en Chine, mais qui n’a jamais 1/10 pic.twitter.com/AJKC1rzV47
— pierre haski (@pierrehaski) August 3, 2022
«S’ils font la nôtre, je vais faire la leur» : un Taïwanais dresse une carte des installations militaires chinoises. Joseph Wen réalise depuis plus d’un an une carte interactive recensant les bases de l’armée chinoise, utilisant exclusivement des informations disponibles librement sur Internet comme Wikipédia ou Google Maps. Libé avait discuté avec cet étudiant de 23 ans bien avant que Nancy Pelosi décide de se rendre à Taïwan. Lire notre article.
Taïwan «ne reculera pas» face aux menaces de la Chine. La présidente de Taïwan Tsai Ing-wen assure que l’île «ne reculera pas» face à la menace de la Chine, qui s’apprête à lancer des manœuvres militaires dangereusement près des côtes taïwanaises en représailles à la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine. «Nous allons […] continuer à défendre la démocratie», a-t-elle affirmé lors de sa rencontre avec Nancy Pelosi, qu’elle a remerciée d’avoir «pris des mesures concrètes pour montrer (son) soutien indéfectible à Taïwan en ce moment critique». Selon les coordonnées publiées par l’armée chinoise, une partie des opérations militaires doivent avoir lieu à 20 kilomètres des côtes de Taïwan.
Pelosi et son histoire tumultueuse vis-à-vis de la Chine. La présidente de la Chambre des représentants n’en est pas à son premier coup d’éclat à l’égard de la Chine, ce qui peut expliquer d’autant plus pourquoi Pékin n’a que très peu apprécié sa visite. Nancy Pelosi s’était notamment rendue à Tiananmen en 1991, deux ans après la répression des manifestations prodémocratie, déployant sur la place une banderole sur laquelle était écrit : «A ceux qui sont morts pour la démocratie en Chine.» Une initiative à laquelle la police avait coupé court et qui avait provoqué la colère du gouvernement chinois. Elle s’est également liée d’amitié avec le dalaï-lama qu’elle a visité à Dharamsala en 2008 et a rencontré l’archevêque de Shanghai. Enfin, Nancy Pelosi avait qualifié d’«héros» les manifestants pro-démocratie à Hong Kong et fortement dénoncé la répression de la communauté ouïghoure en Chine.
Revoir cette archive de CBS: en 1991, Pelosi venait déjà critiquer le PCC sur la place Tienanmen. pic.twitter.com/wCXF11GHZ2
— Gaspard Kühn (@gkuehn) August 2, 2022
La Chine pourrait-elle envahir Taiwan ? Mi-mai, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Libé avait interviewé Valérie Niquet, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique, sur le risque qu’un scénario semblable se produise aussi à Taiwan. «Je suis certaine que la Chine, telle qu’elle existe aujourd’hui, ne réussira pas à conquérir Taiwan», rassurait alors la sinologue, qui soulignait notamment les capacités nucléaires «moindres» de la Chine (au regard de celles de Moscou) et sa vulnérabilité vis-à-vis d’éventuelles frappes américaines. «La capacité d’influence de la Chine sur Taiwan a plutôt tendance à se restreindre qu’à se développer», expliquait-elle aussi. Une analyse à lire ici.
Nancy Pelosi quitte Taiwan. La visite historique de la présidente de la Chambre des représentants américaine à Taiwan est terminée. L’élue de 82 ans a quitté l’île ce mercredi à 18 heures (midi en France) à bord d’un avion militaire américain, d’après des images retransmises en direct par les télévisions.
La visite de Nancy Pelosi, un «acte dangereux» selon Le Quotidien du peuple. Pour la première fois depuis le début de l’affaire, Le Quotidien du peuple mentionne la visite à Taiwan de Nancy Pelosi. De concert avec Pékin, l’organe de propagande du Parti communiste chinois, qui compte parmi les journaux les plus imprimés au monde, dénonce un «acte dangereux» qui «porte gravement atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine». «La tendance générale [vers la «réunification»] est irréversible», assène le quotidien, qui affirme que Pékin maintient «fermement entre ses mains» la possibilité de rattacher un jour Taiwan à son territoire.
Selon le chercheur Antoine Bondaz, c’est la Chine qui est responsable des tensions diplomatiques. «Rien n’a fondamentalement changé côté américain depuis 2020 et Washington maintient sa politique d’une seule Chine», explique le chercheur Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique, dans une série de messages publiés sur Twitter. Selon le sinologue, Pékin tente de «changer le statu quo dans le détroit en sa faveur et de tester les réactions internationales».
L’argumentaire de Pékin selon lequel la politique de Washington envers Taïwan vient de changer radicalement ne tient pas
— Antoine Bondaz (@AntoineBondaz) August 3, 2022
Cette visite n’est pas sans précédent et Washington insiste sur la continuité de sa politique
C’est Pékin qui utilise cette visite pour changer le statu quo
Pékin justifie ses exercices militaires. «Des exercices nécessaires et légitimes» : voilà comment la Chine présente ses actions militaires prévues près de Taiwan en réaction à la visite de Nancy Pelosi. Ces exercices, qui s’approcheront jusqu’à vingt kilomètres des côtes taïwanaises, «constituent une mesure nécessaire et légitime afin de répliquer aux graves provocations de certains politiciens américains et des indépendantistes taiwanais», déclare à la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
A Hongkong, des manifestants pro-Pékin défilent contre la visite de Nancy Pelosi à Taiwan.
La Chine lance des représailles économiques. En plus des exercices militaires autour de Taiwan annoncés mardi en réponse à la visite de Nancy Pelosi, Pékin souhaite aussi une série de sanctions commerciales. Ce mercredi, les douanes chinoises ont ainsi décidé de suspendre l’importation des agrumes et de certains poissons en provenance de l’île. De son côté, le ministère du Commerce a annoncé «suspendre l’exportation de sable naturel vers Taiwan» à partir de mercredi. Ce matériau est généralement utilisé pour fabriquer du béton et de l’asphalte, et Taipei dépend majoritairement de la Chine pour s’en fournir.
Le Japon «préoccupé» par les menaces chinoises. Tokyo se déclare «préoccupé», ce mercredi, par les «actions militaires ciblées» promises par Pékin, dont certaines auront lieu à l’intérieur de la zone économique exclusive japonaise. «La paix et la stabilité dans le détroit de Taiwan sont importantes non seulement pour la sécurité de notre pays, mais aussi pour la stabilité internationale, affirme le porte-parole du gouvernement nippon Hirokazu Matsuno. La position constante du Japon a toujours été qu’il attend que les questions relatives à Taïwan soient réglées pacifiquement, par le dialogue.»
Pékin furieux. Après la visite de Nancy Pelosi à Taiwan, la Chine promet «des actions militaires ciblées» en représailles quand la Maison Blanche, mal à l’aise, défend l’indépendance des pouvoirs et tente l’apaisement. Notre analyse.