Une trentaine de combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), parmi lesquels quatre commandants, ont brûlé leurs armes ce vendredi 11 juillet au matin.
Cette première cérémonie de désarmement du PKK s’est déroulée à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Souleimaniyeh, dans la région autonome du Kurdistan irakien (nord), dans la grotte de Casene. La guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre Ankara depuis quatre décennies, ouvre ainsi la voie à la clôture d’un chapitre historique.
«Nous espérons que cette démarche apportera la paix et la liberté. Notre peuple a plus que jamais besoin d’une vie pacifique, libre, équitable et démocratique», a déclaré devant quelque 300 personnes un de leurs commandants, lisant un communiqué. Cette étape constitue «un tournant irréversible, une opportunité de protéger des vies innocentes et de construire un avenir sans terrorisme», a indiqué un haut responsable turc sous couvert d’anonymat, assurant que «la Turquie reste déterminée à soutenir tous les efforts en faveur du désarmement, de la stabilité et d’une réconciliation durable dans la région».
Les combattants devaient ensuite regagner les montagnes proches où ils sont basés, avait indiqué précédemment à l’AFP un responsable du PKK. Des représentants du gouvernement autonome du Kurdistan irakien et de son président, Netchirvan Barzani, ont assisté aux opérations, mais il n’a pas été précisé qui avait été dépêché par Ankara, hormis des membres des services de renseignement, selon les médias turcs.
Les autorités locales kurdes avaient annoncé peu avant avoir abattu deux drones à proximité des positions des forces kurdes, quelques heures avant le début des opérations.
Parmi les invités de ce vendredi figurent des élus du parti turc prokurde DEM, médiateur entre le chef du PKK, Abdullah Öcalan, 76 ans dont vingt-six passés en prison, et le gouvernement turc, qui sont arrivés jeudi en Irak. C’est via le DEM, dont une délégation a été autorisée à se rendre à plusieurs reprises auprès d’Öcalan en prison, que le fondateur du PKK a appelé, en février, à tourner officiellement la page d’un conflit qui a fait au moins 40 000 morts.
Abdullah Öcalan a ainsi favorablement répondu à un processus initié à l’automne par le gouvernement turc après une décennie de statu quo militaire. Pour Ankara, comme pour ses alliés occidentaux, le PKK est considéré comme un mouvement terroriste.
Désarmement
C’est paradoxalement l’allié du président turc, Recep Tayyip Erdogan, le chef du parti nationaliste MHP, Devlet Bahceli, qui a tendu la main à l’ennemi public, lui proposant d’appeler les combattants à renoncer à la lutte armée et à «venir s’exprimer devant le Parlement». Le 27 février, Abdullah Öcalan a appelé le PKK à «déposer les armes et […] à se dissoudre», affirmant «assumer la responsabilité historique de cet appel».
«Processus prometteur»
Mercredi, dans un message vidéo en turc, Öcalan a confirmé l’imminence du désarmement. «Je crois au pouvoir de la politique et de la paix sociale et non des armes. Et je vous appelle à mettre ce principe en pratique», insistait-il dans cette longue adresse.
Erdogan, lui, a récemment envisagé «une Turquie sans terroriste», espérant que «ce processus prometteur se conclurait avec succès le plus rapidement possible, sans obstacle, ni risque de sabotage».
Pour l’heure, la portée de la cérémonie de vendredi reste incertaine, par le nombre des combattants qu’elle concerne et le sort des armes déposées. «En geste de bonne volonté, un certain nombre de combattants du PKK, qui ont pris part au combat contre les forces turques ces dernières années, détruiront ou brûleront leurs armes au cours d’une cérémonie dans les prochains jours», avait indiqué début juillet un commandant kurde sous couvert de l’anonymat.
Abdullah Öcalan, lui, est toujours détenu sur l’île-prison d’Imrali, au large d’Istanbul, et ne réclame pas d’en sortir alors que ses commandants faisaient de sa libération un des termes de l’équation.
Reportage
En refusant de lier son sort personnel à l’avenir du processus de paix, Öcalan «contredit les conditions posées par le Parti qui demandait son élargissement afin qu’il puisse mener à bien le processus de paix», note l’historien des mouvements kurdes Boris James. Le chercheur relève par ailleurs l’absence «d’acteur tiers pour garantir la probité du processus» et insiste : «Une très forte défiance subsiste entre le PKK et l’Etat turc, or l’Etat a donné peu de gages» aux combattants kurdes. Ces derniers ont d’ailleurs dénoncé la poursuite des bombardements turcs sur leurs positions en Irak malgré le processus en cours.
Depuis les derniers violents combats qui avaient ensanglanté la ville turque à majorité kurde de Diyarbakir (sud-est) en 2015, les combattants du PKK sont principalement restés cantonnés dans les montagnes de Kandil, en Irak, soumis également aux opérations de ratissage de l’armée turque.
Mis à jour à 12 h45 avec la réaction du PKK et d’Ankara.