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Libération
«Situation cataclysmique»

En Haïti, 1 500 tués et un Etat «au bord de l’effondrement», s’inquiète l’ONU

Dans un rapport publié ce jeudi 28 mars, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies s’alarme de voir les armes continuer d’affluer dans un pays gangrené par la violence des gangs qui fait des centaines de morts chaque mois.
Une femme portant un enfant s'enfuit d'une zone dangereuse après que des coups de feu aient été entendus à Port-au-Prince, le 20 mars 2024. (Clarens Siffroy/AFP)
publié le 28 mars 2024 à 16h45

En Haïti, la situation est «cataclysmique», dénonce l’ONU. Dans un rapport présenté ce jeudi 28 mars, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies s’alarme de voir les armes et munitions «continuer d’affluer» en permanence dans le pays, approvisionnant les gangs, alors que sur place les homicides se multiplient et les habitants vivent un enfer. Selon l’ONU, «la corruption, l’impunité et la mauvaise gouvernance, aggravées par les niveaux croissants de violence des gangs, ont érodé l’État de droit et conduit les institutions de l’État […] au bord de l’effondrement».

Le pays caribéen, qui vivait déjà une profonde crise politique et sécuritaire, est en proie à un regain de violences depuis le début du mois, lorsque plusieurs gangs ont uni leurs forces pour attaquer des lieux stratégiques de Port-au-Prince, disant vouloir renverser le Premier ministre Ariel Henry. Très contesté, ce dernier n’a pas pu regagner son pays après un déplacement au Kenya au début du mois. Il a accepté de démissionner le 11 mars, et le futur conseil présidentiel haïtien, qui doit prendre les rênes du pays, s’est engagé mercredi dans un premier communiqué à restaurer «l’ordre public et démocratique».

«Dès son installation, le conseil présidentiel nommera un Premier ministre ou une Première ministre, avec lequel ou laquelle il constituera un gouvernement d’union nationale et remettra Haïti sur la voie de la légitimité démocratique, de la stabilité et de la dignité», ont écrit les membres de cet organe censé représenter les principales forces politiques haïtiennes, qui doit encore être officiellement mis en place. Il se compose de sept membres votants et de deux membres observateurs non votants. Les membres ont affirmé dans leur texte s’être entendus sur «les critères et les mécanismes pour le choix du président ou de la présidente du conseil présidentiel», ainsi que pour la nomination du futur Premier ministre intérimaire et du cabinet ministériel.

Des violences sexuelles peu signalées et impunies

Au cours des trois premiers mois de 2024, 1 554 personnes ont été tuées dans le pays par les gangs et 826 ont été blessées, note l’ONU dans son rapport. Si la tendance se poursuit, les chiffres de 2023, qui étaient déjà en forte hausse, vont être rapidement dépassés. L’année dernière, la violence des gangs a fait au moins 4 451 morts et 1 668 blessés.

Le Haut-Commissariat note qu’en dépit de l’embargo sur les armes, «le trafic illicite d’armes et de munitions à travers des frontières poreuses a fourni une chaîne d’approvisionnement fiable aux gangs», de sorte qu’«ils disposent souvent d’une puissance de feu supérieure à celle de la police nationale haïtienne». Il réitère la nécessité de déployer d’urgence une mission multinationale de soutien à la sécurité pour aider la police nationale à mettre fin à la violence et à rétablir l’État de droit.

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, souligne qu’«il est essentiel que la mission intègre effectivement les droits humains dans la conduite de ses opérations». Selon le rapport, les gangs continuent d’utiliser la violence sexuelle pour brutaliser, punir et contrôler la population. Mais les violences sexuelles sont très peu signalées et restent le plus souvent impunies. Les gangs recrutent et abusent aussi toujours des enfants - garçons et filles -, dont certains ont été tués alors qu’ils tentaient de quitter les rangs de ces groupes.

Parallèlement à l’intensification de la violence et à l’incapacité de la police à la contrer, des «brigades d’autodéfense» ont continué à apparaître et à se faire justice elles-mêmes, selon le rapport. Au moins 528 cas de lynchages (510 hommes et 18 femmes) ont été signalés en 2023, et 59 autres en 2024.