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Violences

En Haïti, les gangs multiplient les attaques pour «obtenir le départ du Premier ministre»

Quatre policiers ont été tués jeudi 29 février à Port-au-Prince dans plusieurs attaques simultanées. Depuis l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, le pays fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire.
Des jeunes habitants de Port-au-Prince faisaient signe à la police qu'ils ne représentaient pas une menace, jeudi 29 février 2024. (Odelyn Joseph/AP)
publié le 1er mars 2024 à 12h42

Des fusillades et la volonté affichée de renverser le pouvoir. Des tirs nourris ont résonné jeudi 29 février dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, les forces de sécurité tentant de repousser les assaillants qui ont visé notamment des commissariats, l’académie de police et d’autres sites stratégiques comme l’aéroport international. Quatre policiers sont morts et cinq ont été blessés dans la capitale, selon un syndicat, et deux sous-commissariats ont été incendiés.

Des établissements scolaires, universités et diverses institutions publiques comme privées ont été contraints d’interrompre leurs activités alors que des centaines de personnes se sont réfugiées chez elles. Des étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti ont été pris en otage avant d’être relâchés. Plusieurs compagnies aériennes ont aussi dû annuler leurs vols domestiques et internationaux après que des projectiles ont touché des avions et des parties d’un terminal de l’aéroport Toussaint-Louverture.

A l’origine de ces violences, plusieurs gangs qui souhaiteraient contraindre par la force le Premier ministre Ariel Henry à démissionner. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux avant les attaques, le chef de gang Jimmy Chérisier, alias «Barbecue», affirmait que «tous les groupes armés vont agir pour obtenir le départ du Premier ministre Ariel Henry». «Nous allons utiliser toutes les stratégies pour aboutir à cet objectif. Nous revendiquons tout ce qui se passe dans les rues en ce moment», a-t-il ajouté plus tard dans la journée. Ces attaques coïncident avec le 20e anniversaire du coup d’Etat qui avait chassé le président Jean-Bertrand Aristide du pouvoir.

Depuis l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire. Des gangs armés ont pris le contrôle de pans entiers du pays et le nombre d’homicides a plus que doublé en 2023. Au pouvoir depuis 2021, Ariel Henry aurait dû quitter ses fonctions début février.

Une mission internationale qui se fait attendre

Pour tenter d’aider la police dépassée face à la violence des gangs, le Conseil de sécurité de l’ONU a donné en octobre son accord pour l’envoi en Haïti d’une mission menée par le Kenya. Le Kenya et Haïti ont d’ailleurs signé ce vendredi un accord pour l’envoi de policiers kényans dans l’île, dans le cadre d’une mission internationale soutenue par les Nations unies, selon un communiqué signé par le président kényan William Ruto.

Le chef de l’Etat kényan et le Premier ministre haïtien Ariel Henry, en déplacement à Nairobi, ont «discuté des prochaines étapes pour permettre l’accélération du déploiement», selon le communiqué. Le texte ne précise toutefois pas si cet accord est contraire à la décision d’un tribunal kényan ayant jugé illégal fin janvier l’envoi prévu de 1 000 policiers.

Le mois de janvier 2024 a été «le plus violent depuis plus de deux ans» en Haïti, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme qui déplore que la «situation déjà désastreuse» se soit «encore détériorée, dans un contexte de violence incessante et croissante des gangs». L’ONU a lancé mardi un appel aux dons de 674 millions de dollars pour aider 3,6 millions de personnes en Haïti, pays confronté à l’une des plus graves crises alimentaires au monde.

Pour le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, il est important de parvenir à une «solution politique» en Haïti, sans quoi «le problème (de la violence) ne sera jamais résolu».